Les pages spéciales médecin
Région > Genou >
L'acide
hyaluronique bouleverse la stratégie thérapeutique dans la gonarthrose Mise
à jour: 1/03
L'essentiel:
-La plupart des très nombreux genoux arthrosiques sont traités
médicalement.
-AINS et antalgiques: largement utilisés mais: ne ralentissent pas la
progression de l'arthrose, finissent par épuiser leur bénéfice,
ne sont pas sans risques.
-Anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente: réputés pour
leur tolérance, tentent de passer comme chondromodulateurs, pas encore
convaincants, près de 90% des arthrosiques en France en ont pris, ils
n’ont pas bouleversé le paysage.
-> Regain d'intérêt pour les traitements locaux: physiothérapies
(ondes pulsées), évaluation (enfin) des infiltrations de corticoïdes,
lavage articulaire, greffe de patchs de cartilage, injections de hyaluronate
de sodium (visco-supplémentation).
-Rôles de l’acide hyaluronique (AH): élasticité, viscosité,
mais aussi barrière contre cellules et médiateurs de l’inflammation,
capte les débris macromoléculaires, agirait directement sur les
nocicepteurs.
-3 injections à 1 semaine d'intervalle. Efficacité en 1 mois,
se prolonge 6 à 12 mois selon le produit.
-Bonnes indications: arthroses modérément évoluées,
sèches, et mobiles
-AH plus efficace que les AINS de référence. Les 2 traitements
sont synergiques.
-Infiltration de corticoïdes plus efficace au début, se fait dépasser
nettement au bout d'un mois par l'AH.
-Les AH haut poids moléculaire, plus chers, sont meilleurs sur l'importance
et la durée du résultat.
-Effet chondroprotecteur non démontré mais les premières
études contrôlées histologiques et arthroscopiques vont
dans ce sens.
-Stratégie: genou sec douloureux chronique: AH d'emblée ±
corticoïde. Genou congestif: décharge ++, ponction(s), lavage? corticoïdes,
synoviorthèse? puis acide hyaluronique.
Le contexte
épidémiologique:
3,5 millions de français consultent chaque année pour de l'arthrose
(1).
Grande fréquence de la gonarthrose symptomatique: prévalence de
1,6 à 9,4% chez l'adulte.
50.000 prothèses de genou posées chaque année: cela signifie
que la plupart des genoux arthrosiques sont traités médicalement.
Les AINS et antalgiques sont largement utilisés mais ne semblent pas
pouvoir ralentir la progression de l'arthrose et finissent par épuiser
leur bénéfice. Leur utilisation n'est pas sans risques.
Les anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente (AASAL) sont réputés
pour leur tolérance et tentent de quitter leur catégorie pour
rejoindre celle des chondromodulateurs, par des études sur l'évolution
du pincement de l'interligne. Aucune de ces études n'est pour l'instant
convaincante pour différentes raisons: trop dépendantes des laboratoires,
méthodologie de mesure de l'interligne en cours de codification, populations
étudiées réduites, pas de recul supérieur à
3 ans ce qui est peu dans l'arthrose, pas de corrélation entre les résultats
sur l'interligne et les douleurs, bénéfice modeste. Près
de 90% des patients arthrosiques en France sont traités plus ou moins
régulièrement par ces produits (excepté la glucosamine)
et ils ne semblent pas avoir bouleversé le paysage du 3ème âge.
D'où le regain d'intérêt pour les traitements locaux: physiothérapies
(ondes pulsées), évaluation (enfin) des infiltrations de corticoïdes,
lavage articulaire, greffe de patchs de cartilage, injections de hyaluronate
de sodium (visco-supplémentation).
Bases
de la visco-supplémentation:
Depuis plus d'un siècle, l'on sait que la viscosité du liquide
articulaire est due à un polysaccharide; il est isolé en 1934
par Meyer et Palmer et baptisé acide hyaluronique (AH).
Les 1ères injections intra-articulaires d'AH sont faites en 1966 sur
des chevaux souffrant d'arthropathies traumatiques, avec de très bons
résultats. Ce sont ensuite les ophtalmos qui s'emparent de la molécule
et s'en servent en appoint de la chirurgie de la cataracte à partir de
70. Les essais sur les genoux humains démarrent au cours des années
70 et se sont multipliés depuis une vingtaine d'années. Les dermatos
en ont récemment fait le traitement anti-rides à la mode.
L'AH
est un polysaccharide de haut poids moléculaire (environ 5 millions de
daltons) en forme de double hélice, sécrété par
les chondrocytes et les synoviocytes de type B. Il est présent en forte
concentration non seulement dans le liquide articulaire à l'état
libre mais aussi dans la capsule et les couches superficielles du cartilage
où il forme le squelette où s'accrochent les agrégats de
protéoglycanes. L'AH est peu dégradé dans la synovie, il
est évacué principalement par les flux transsynoviaux sous l'effet
des mouvements articulaires. Une partie est dégradée par la synoviale
qui possède une hyaluronidase, le reste part dans la circulation lymphatique.
Avec l'âge, la concentration en AH dans la synovie augmente mais son poids
moléculaire (PM) diminue. Si l'articulation est arthrosique, concentration
et PM diminuent, à cause de l'exsudation plasmatique qui dilue l'AH,
d'une polymérisation moins efficace et d'une dégradation plus
rapide. Son élasticité et sa viscosité diminuent, favorisant
l'agression mécanique du cartilage. Le rôle protecteur de l'AH
semble même plus large: sa structure réticulée a un rôle
de barrière aux cellules et aux médiateurs de l'inflammation;
il serait capable de capter les débris macromoléculaires et de
réduire leur agressivité; il peut interagir directement sur les
nocicepteurs articulaires.
In vitro, l'AH réduit la production d'acide arachidonique et de PGE2
induite par l'IL1. Il diminue la dégradation de la matrice cartilagineuse
déclenchée par des fragments de fibronectine. Ce dernier résultat
a été confirmé histologiquement sur des rats adultes.
L'injection d'AH restaure les propriétés mécaniques de
la synovie, serait capable d'améliorer l'agrégation des protéoglycanes
dans les couches superficielles du cartilage, et relancerait la synthèse
endogène d'un AH de bonne qualité (2).
L'efficacité
versus placebo (3) (4):
Confirmée par 16 études sur 19 réalisées avant 2001.
Les 3 études qui ne montraient pas de différence ont été
réalisées avec des AH de bas poids moléculaire. Dans l'étude
de Scale en 94, 3 injections de Synvisc se sont montrées supérieures
à 2.
Le bénéfice clinique est maximal en 2 à 3 mois et se prolonge
en moyenne 9 mois. 40 à 80% des patients sont répondeurs, mais
ces chiffres ont peu d'intérêt car les situations initiales sont
très disparates.
On a cherché ainsi à préciser les bonnes indications de
la visco-supplémentation: il s'agit à priori des arthroses modérément
évoluées, sèches, et mobiles (5).
L'efficacité
versus AINS:
3 études ont comparé AINS et AH:
-Hyalgan (5 injections) versus naproxène 1g/j a des résultats
un peu meilleurs à 6 mois (6).
-Synvisc versus diclofénac 100mg/j est supérieur sur la douleur
et la fonction à 3 mois (7).
-Adams 95: Synvisc équivaut à l'AINS à 3 mois, est supérieur
à 6 mois. L'association est supérieure aux 2 traitements isolés
(8).
L'efficacité
versus infiltrations de corticoïdes:
Rappelons que la plupart des études contrôlées n'ont montré
qu'un bénéfice de courte durée et de faible amplitude des
corticoïdes intra-articulaires.
5 études ont comparé Hyalgan aux corticoïdes: dans l'une,
ils sont équivalents; dans 3 autres, l'effet initial du corticoïde
est supérieur et laisse place à un meilleur résultat du
Hyalgan après 1 mois; dans la dernière, l'association initiale
d'un corticoïde potentialisait le résultat du Hyalgan.
Des études avec Synvisc et Orthovisc ont montré des résultats
identiques: inférieur au corticoïde avant la 3è semaine,
nettement meilleurs à partir de la 15è semaine.
Existe-t-il
un effet chondroprotecteur?
On ne peut pour l'instant l'affirmer, mais il y a des arguments très
encourageants:
- La réponse clinique très rapide (comparativement aux autres
traitements de fond de l'arthrose) alors que l'AH n'a pas d'effet antalgique
important.
- Les études in vivo sur des modèles d'arthrose animale. Après
injection de fragments de fibronectine dans l'articulation de rats d'âge
mûr, la réparation de la matrice cartilagineuse est significativement
améliorée à 38 jours par l'injection hebdomadaire d'AH
(9).
- Le suivi arthroscopique sur 1 an du compartiment fémoro-tibial interne
montre que l'injection de 9 Hyalgans réduit significativement la progression
des lésions (10). Mais cette étude sur 39 patients demande confirmation.
Technique
et tolérance:
La voie sous-patellaire externe est la plus facile. J'utilise personnellement
une minuscule aiguille 0.4x20mm pour une anesthésie locale. Plusieurs
avantages: l'injection laisse un très bon souvenir à des personnes
qui vont en faire au moins 2 autres, et souvent referont ces séries par
la suite. La lidocaïne 0.5%, très fluide, permet de repérer
facilement à quelle profondeur on rentre dans l'articulation. Poussez
latéralement la rotule pour la faire saillir et repérez bien l'interligne
fémoro-patellaire. Piquez, pas trop loin (en fonction de la corpulence),
pour éviter de taper le périoste très sensible ou d'agresser
le cartilage si vous êtes bien centré. Injectez tout en poussant
l'aiguille. Les tissus latéro rotuliens étant assez serrés,
vous percevez immédiatement quand vous arrivez dans l'articulation: le
piston de la seringue "fuit" en avant. L'aiguille de 0.4 permet même
d'injecter l'acide hyaluronique s'il s'agit des produits les moins épais
(Osténil, Sinovial). Mais il faut pousser fort et je préfère
la retirer et remettre une 0.6x30mm, assez longue pour la majorité des
genoux et large pour passer les AH les plus épais (Synvisc, Viscorneal).
Je réinjecte un peu de lidocaïne à la profondeur où
je suis arrivé avec l'aiguille précédente. Vous évitez
de faire du repérage avec l'AH, que vous risquez de mettre en partie
ou totalement en extra-articulaire. Cela n'est pas dangereux mais c'est dommage,
vu le prix du produit. Un inconvénient à utiliser 2 aiguilles:
cela augmente les manipulations et donc, peut-on supposer, le risque de sepsis.
________
Les difficultés
ne se rencontrent seulement sur les genoux très enrobés. Il est
parfois difficile de bien palper l'interligne fémoro-patellaire. Il faut
alors utiliser la classique aiguille verte, 0.7x40mm, et l'anesthésie
locale est beaucoup plus recommandable, toujours pour utiliser la lidocaïne
pour repérer l'arrivée dans l'articulation. La ponction de quelques
gouttes de synovie est toujours la meilleure confirmation, et vous pouvez comprimer
la bourse sous-quadricipitale de l'autre main pour faciliter ce recueil éventuel.
La principale erreur est de piquer trop haut (genou horizontal) en ne jugeant
pas à leur juste épaisseur les parties molles pré rotuliennes.
Vous risquer de taper la rotule en pensant être sur le condyle, voire
d'avancer facilement mais d'être en avant de la rotule au lieu d'en arrière.
Les effets secondaires possibles se limitent à des réactions locales:
arthrites dans 2 à 3% des cas. 3 types:
-arthrite infectieuse par contamination
-arthrite microcristalline: on a pensé qu'elle pouvait être favorisé
par la présence d'une chondrocalcinose articulaire. Cette hypothèse
est infirmée par une étude rétrospective sur des injections
faite avec CCA radiologique, sans aucune arthrite constatée (11).
-arthrite non spécifique: liquide inflammatoire riche en polynucléaires
mais sans cristaux; arthrite de survenue précoce, ne se reproduisant
pas généralement pas lors d'autres injections.
En pratique la survenue d'une réaction ne contre-indique pas la poursuite
des injections. On peut associer un corticoïde la fois suivante si l'amélioration
tarde à se dessiner.
Stratégie
dans la gonarthrose:
-Le genou sec douloureux chronique:
Indication à l'acide hyaluronique d'emblée. Associez éventuellement
un corticoïde si le patient signale une poussée douloureuse franche,
et particulièrement s'il existe une synovite discrète (une aggravation
de cette synovite peut obliger à ponctionner... ce qui fait retirer aussi
l'AH, dommage). Si les douleurs sont supportables, j'attends généralement
la 3è injection pour faire un Altim par la même aiguille, et seulement
s'il n'y a pas encore d'amélioration.
Insistez lourdement sur les mesures d'hygiène de vie, qui seules peuvent
assurer un résultat très durable. Voir fiche.
Insistez sur la perte de poids...
-Genou
congestif:
Expliquez la nécessité d'une mise en décharge assez complète
au début avec reprise progressive des activités normales sous
l'effet de l'amélioration naturelle et non pas à l'aide de calmants.
faites une ou plusieurs ponctions. C'est un lavage naturel par l'exsudation
plasmatique dans l'articulation. N'ayez pas peur d'utiliser une aiguille de
gros diamètre après anesthésie locale, pour ne pas la boucher
facilement avec les débris intra-articulaires. Cependant, même
avec ces aiguilles, une membrane synoviale très inflammatoire et très
villeuse va venir occulter facilement votre biseau lors de l'aspiration. Il
faut repousser un peu le piston pour le dégager et presser le genou avec
l'autre main pour venir collecter le liquide à l'endroit où votre
biseau aspire. Vous associerez un corticoïde à la fin (encore que
je ne le fasse pas lors de la 1ère ponction s'il y a beaucoup de débris:
je préfère répéter 3 - 4 fois la ponction à
quelques jours d'intervalle avant de finir par associer un corticoïde,
tout en prescrivant des antalgiques purs).
Dans certains cas de chondrolyses importantes avec débris macromoléculaires
encastrés dans la synoviale, la synovite ne veut pas céder. Plutôt
que de répéter des Altim, faites une Hexatrione longue durée.
Si elle ne suffit pas, c'est la seule indication d'une synoviorthèse
dans l'arthrose, qui va détruire cette synoviale pathologique. Vous pouvez
penser qu'il est plutôt temps d'envoyer ce patient au chirurgien. Mais
il ne s'agit pas toujours d'une arthrose terminale; nous connaissons tous des
interlignes très détériorés qui sont bien tolérés
une fois la phase de chondrolyse passée; tous les patients ne sont pas
de bons candidats à la chirurgie; enfin, ces synoviales pathologiques
sont source d'ennuis pour le chirurgien, la synovite pouvant persister ou récidiver
après la mise en place d'une prothèse.
Place du lavage articulaire: le lavage a démontré des résultats
plus prolongés que l'injection de corticoïdes seule, mais sa place
devient très étroite avec l'arrivée de l'acide hyaluronique.
C'est un geste beaucoup plus long et lourd, irréalisable en cabinet de
ville. Sa seule indication reste la présence de nombreux fragments macroscopiques
dans une synovite de volume faible, ne permettant pas de faire un bon lavage
par la seule répétition des ponctions.
Une fois la phase congestive épuisée, vous réalisez 3 injections
d'AH pour la reprise des activités normales.
Autres
points d'intérêt des injections de hyaluronate: les limites des
données scientifiques:
Le protocole de 3 injections a un intérêt nettement supérieur
au simple bénéfice de l'acide hyaluronique intra-articulaire:
c'est un traitement mobilisateur. De nombreux patients douloureux chroniques,
âgés ou non, ont des problèmes d'hygiène de vie difficiles
à prendre en charge: perte de poids, retour de la confiance, reprise
d'activité physique "de loisir", terme bien séducteur
mais qui dépeint pour eux une activité physique facultative et
plutôt pénible. On a l'impression qu'ils ont une montagne à
soulever! Vos meilleurs conseils se diluent dans la mer calme qui l'entoure.
Différentes tactiques sont possibles.
Vous pouvez tenter de lever une tempête, en brossant un tableau apocalyptique
des complications attendues de la situation actuelle. Les vagues vont entailler
la muraille rocheuse, mais attention aux éboulements: un démarrage
trop rapide provoque souvent un enfouissement du problème, qui se traduit
par un réveil insupportable des douleurs: "c'est trop difficile
ce que vous me demandez là, j'ai trop mal".
Vous pouvez tenter de remettre progressivement le remodelage géologique
en route: marées quotidiennes, pluies et soleil. Vous demandez la reprise
de petits cours de gym adaptés à l'âge. Vous conseillez
l'achat d'un vélo d'appartement. Vous réclamez la petite marche
quotidienne, dépassant le seuil fatidique de l'échauffement et
des douleurs qui le précèdent. Vous revoyez votre patient à
intervalles réguliers au début pour maintenir la stimulation,
rentrer dans le détail des difficultés. S'il n'y a personne pour
le plaindre, c'est à nous de le faire. Le médecin traitant doit
jongler entre 2 casquettes, celle de père de famille (diagnosticien,
directeur, surveillant, punisseur) et celle de mère de famille (réconfortante,
plaignante, empathique, confiante). Ce n'est pas toujours facile à faire
en fonction de sa propre personnalité. Beaucoup trouvent judicieux de
travailler en couple, par exemple avec un kiné sympa qui va se taper
les plaintes! Attention: pas de discorde entre les parents! Mais bon, la tendance
actuelle est à porter les 2 casquettes, et c'est mieux: on commence par
aborder les points techniques, on secoue les puces si nécessaire, et
on termine avec beaucoup d'empathie, surtout si on a soi-même mal au dos
ou aux genoux!
Les injections de hyaluronate (on y revient) sont très précieuses
dans ce cadre. Il est facile de convaincre le patient qu'un traitement aussi
physique va faciliter grandement la reprise des activités. J'augmente
l'effet de suggestion en lui faisant tater le peu de gel qui reste après
l'injection en poussant vigoureusement le piston de la seringue ou en purgeant
l'aiguille. Avec un genou passé à la maintenance, on va pouvoir
avaler à nouveau des kilomètres! Surtout que les suites sont nettement
plus simples qu'une prothèse.
Je ne conseille aucun repos après ces injections. Les réactions
douloureuses sont, à mon avis, liées essentiellement à
la technique d'injection: j'en voyais beaucoup au début avec des injections
par voie antérieure et avec les aiguilles vertes; je n'en ai plus avec
les oranges et la voie patellaire externe. Je pense qu'elles sont dues à
une réaction inflammatoire synoviale par injection en partie péri-articulaire
ou blessure chondrale.
Dans ces conditions la majorité des patients voient un résultat
net dès la première injection. Pas sur les douleurs de l'os sous-chondral
(douleur en plein plateau tibial) liées au remodelage osseux intensif
voire à des microfissures. Mais sur la tolérance à l'effort:
les gens vont déjà plus loin; les premiers pas sont plus faciles.
Voir les patients 3 fois permet de renforcer cette impression de nouvelles possibilités
physiques et a un effet de "kick" considérable sur l'amélioration
de l'hygiène de vie. Certains m'ont même dit avoir eu l'idée
de courrir, ce qu'ils n'avaient parfois pas fait depuis 10 ans! Vous imaginez
le regain de confiance.
Bien sûr il est difficile d'attribuer ces résultats au seul effet
du produit quand on le pousse ainsi au zénith. Il y a probablement à
la fois un effet mécanique de facilitation articulaire, un effet décongestif
puisque l'on pense maintenant que ces produits ont un effet anti-inflammatoire
par captation des métalloprotéases et des débris macromoléculaires,
et un effet suggestif.
C'est ici que l'on attend les limites de la méthode scientifique actuelle,
qui ne prend pas en compte ce qui se passe autour du médicament. Certains
traitements d'efficacité quotidienne avérée, mais très
opérateur-dépendants, comme les épidurales, les manipulations
vertébrales, certaines techniques de rééducation, ne montrent
dans des études contrôlées et des méta-analyses aucun
intérêt! Alors que c'est justement l'uniformisation du mode d'administration
imposé par l'étude qui dilue les résultats et les rend
statistiquement non significatifs. Aucune étude ne fait de sous-groupe
à partir de l'opérateur et non pas du type de traitement administré
ou du profil du patient. Il faudrait pour bien faire créer des sous-groupes
opérateur/profil particulier de patient, comme on teste par ailleurs
les associations de médicaments.
Conclusion:
L'acide hyaluronique est d'un intérêt majeur dans le traitement
de la gonarthrose, supérieur au traitement fait couramment jusqu'ici
en spécialité; l'infiltration de corticoïdes.
Une raison essentielle de l'utiliser est démontrée: le bénéfice
est comparable à 6 à 12 mois d’AINS selon le produit injecté.
Rappelons que les accidents mortels des AINS se situaient juste après
le SIDA dans les statistiques US avant l'arrivée des COX2 sélectifs.
La pratique clinique quotidienne donne à penser que l'on arrive souvent
à repousser l'indication d'une prothèse, bien que l'indication
idéale ne soit pas la gonarthrose évoluée.
La dernière raison reste encore une hypothèse: dans 10 ans, aurez-vous
évité des PT à vos patients?
On ne peut que regretter que ce traitement ne profite qu'à une minorité
de gonarthroses en raison de son coût et de sa réalisation en spécialité.
1. Lévy E, Ferme A, Perrocheau D, Bono I. Les coûts
socio-économiques de l'arthrose en France. Rev Rhum 1993;60:63S-67S.
2. Balazs EA, Denlinger JL (1993)
Viscosupplementation: a new concept in the treatment of osteoarthritis. J Rheumatol;
20 (39 suppl ): 3-9
3. Maheu E, Lamotte J, Lequesne M. Sel sodique de l'acide hyaluronique (hyaluronan)
et gonarthrose (p. 324-339). In: S De Sèze, A Ryckewaert, MF Kahn, D
Kuntz, A Dryll, O Meyer, Th Bardin, Cl Guérin. L'actualité rhumatologique
1994, Paris, Expansion Scientifique Française ed., 1994.
4. Collange C, Weyl-Clerc D. Que penser des injections intra-articulaires dans
le traitement de la gonarthrose ? (p. 422-434). In: MF Kahn, D Kuntz, O Meyer,
Th Bardin, Ph Orcel, Cl Guérin. L'actualité rhumatologique 1999,
Paris, Expansion Scientifique Française ed., 1999.
5. Lussier AJ, Cividino AA, Mc Farlane CA, et aL (1996) Viscosupplementation
with Hylan for the treatment of osteoarthritis: findings from clinical practice
in Canada. J Rheumatol 23: 1579-85
6.Altman RD, Moskowitz R and the Hyalgan Study Group (1998) Intraarticular sodium
Hyaluronate (Hyalgan) in the treatment of patients with osteoarthritis of the
knee: a randomized clinical trial. J Rheumatol 25: 2203-12
7. Dickson GH (1998) Double blind, double control comparison of viscosupplementadon
with Synvisc~ against diclofenac and control in knee osteoarthritis. Arthritis
Rheum; 41 (9 suppl): S 197 (Abstract 989)
8. Adams ME, Atkinson MH, Lussier AJ, et al. ( 1995) The role of viscosupplementation
with Hylan G-F 20 (Synvisc) in the treatment of osteoarthritis of the knce:
a Canadian multicenter trial comparing Hylan G-F 20 alone, Hylan G-F 20 with
non steroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) and NSAIDs alone. OsteoarthriLs
Cartilage 3: 213-26
9. Williams JM, Zhang J, Kang H, Ummadi V, Homandberg GA. The effects of hyaluronic
acid on fibronectin fragment mediated cartilage chondrolysis in skeletally mature
rabbits. Osteoarthritis Cartilage 2003 Jan;11(1):44-9
10. Listrat V, Ayral X, Patarnello F, et al. (1997) Arthroscopic evaluation
of potential structure modifying activity of hyaluronan (Hyalgan) in osteoarthriLs
of the knee: a pilot, randomized, controlled, prospective study. Osteoarthritis
Cartilage 5: 153-60
11. Daumen-Legré V, Pham T, Acquaviva PC, Lafforgue P. Evaluation de
la tolérance et de l'efficacité de la visco-supplémentation
dans la gonarthrose avec chondrocalcinose articulaire Rev Rhum 1999;66:693.