Une nouvelle dimension de la pensée

Intro: Dans cet article un peu difficile, je vais justifier la nécessité d’une nouvelle dimension de la pensée, dite verticale par opposition à la pensée courante horizontale ou aplatie. La hiérarchisation de la pensée est déjà connue et largement employée. Il s’agit cependant d’une classification effectuée par la pensée horizontale et non d’une authentique pensée verticale. La hiérarchisation est propre à l’esprit qui l’utilise. Certains placent Dieu au sommet; d’autres l’univers, ou le vide quantique. Pour d’autres encore ce sont simplement leurs irremplaçables proches. La hiérarchie peut être bouleversée selon l’humeur, renversée par un élan amoureux. La véritable pensée verticale est formalisée indépendamment de l’esprit qui l’héberge. Surtout, elle est réaliste, c’est-à-dire qu’elle épouse la structure même de la réalité, produisant une représentation d’elle bien plus fidèle, et sans en expulser cet esprit qui la conçoit. La pensée verticale est une intégration de l’esprit à la réalité qui ne fait pas disparaître l’expérience particulière d’être à son bord.

Le plan: 1) Soupçonner que l’académisme bloque la reconnaissance de cette dimension particulière de la pensée. 2) Expliquer le succès de l’omniprésente pensée horizontale. 3) Pourquoi le philosophe tombe-t-il lui aussi dans ce piège? 4) Fondement ontologique de la pensée verticale, dans la dimension complexe. 5) Les deux directions, à partir des extrémités (double regard). 6) Applications immédiates à des controverses célèbres. 7) Attention à la confusion avec la pensée verticale d’Edward de Bono (technique de développement personnel sans rapport avec la verticalité décrite ici).

La recherche académique, quelque soit la discipline, pose de sérieux problèmes :

1) Les failles cachées dans les études de référence sont durablement enterrées. Vous avez peut-être entendu parler de cette erreur dans un vieux protocole d’analyse statistique qui, en médecine, a potentiellement faussé pendant 20 ans un tiers des études parues dans les meilleures revues professionnelles ?

2) La majorité des études présentent un intérêt très faible. Coupage de cheveux en quatre, ou « combien d’anges peuvent danser sur une tête d’épingle ? », disent les anglo-saxons. Elles n’apportent aucun stimulus intellectuel ou changement notable dans la pratique, mobilisent seulement nos routines de surveillance de l’information.

3) Une idée moins tranquille, issue en particulier d’une discipline étrangère, dérange l’académisme et son évaluation sera tardive, alors que ses potentialités sont meilleures. Cf la théorie du chaos de Lorenz qui a secoué la physique seulement dix ans plus tard.

Enfin la prépotence académique a une motivation protectionniste plutôt qu’intellectuelle. Dans ma propre spécialité rhumatologique, où les confrères me considèrent comme pointu (grâce aux applications pratiques de Surimposium), je dois passer par un service hospitalier pour publier. Mon seul nom n’est pas suffisant. Un véritable parcours du combattant m’attend.

Nous pourrions croire qu’un sport intellectuel aussi ancien que la philosophie a suffisamment exploré les manières de penser pour en avoir exhumé toutes les embûches, qu’il n’existe pas de faille philosophique comme cette faille statistique qui a troublé la médecine, ou pire un piège plus fondamental encore tel que le temps universel avant Einstein. Malheureusement si, cette faille existe. Certains l’ont subodorée, dans leurs écrits, mais jamais cette reconnaissance n’a été systématisée.

Notre conscience des choses est horizontale (comme l’a montré Nick Chater en aplatissant sa propre conscience dans ‘The mind is flat’), tandis que la manière dont elle se construit est verticale. Il manque une dimension à notre pensée : la reconnaissance de sa propre ontologie. Seule cette reconnaissance permet de la superposer efficacement au reste de la réalité, incluant les univers mentaux de nos congénères.

La pensée horizontale consiste à classer toutes les choses comme les pièces d’un puzzle. Leur apparence permet de rapprocher celles qui appartiennent au même domaine. Puis, les ayant rassemblées, nous voyons celles qui sont jointives. Nous les connectons avec le principe de causalité et une théorie. Colle et pinceau applicateur. Les théories sont rangées dans un étui appelé paradigme. Différents paradigmes sont employés pour comprendre les nombreuses aires de la réalité.

Bien que des efforts soient faits pour les relier, nous ne comprenons généralement pas pourquoi tel paradigme est adapté à telle aire. Il faut dire que les deux sont enfermés ensemble dans une discipline du savoir. Nous-mêmes sommes volontiers cloîtrés dans la même citadelle, par notre profession, nos affiliations, nos lectures. L’absence de transdisciplinarité nous gêne peu. Nous sommes même capables d’utiliser des paradigmes contradictoires dans des aires de réalité qui nous semblent déconnectées. Un physicien ne se sert jamais de la relativité du temps sur son agenda. Un neuroscientifique ne traite pas les émotions de ses enfants comme des excitations neurales synchrones. Un déterministe utilise quotidiennement un libre-arbitre qu’il considère objectivement inexistant.

Le philosophe utilise une grande variété de paradigmes. Cette profusion d’applicateurs dans son étui lui permet de se débrouiller dans tous les coins du puzzle. Mais peut-être cela le rend-il plus aveugle encore au fait qu’il ne s’agit… que d’un puzzle, et non de la réalité en soi ?

Certes le philosophe reconnaît mieux que personne la séparation entre sa représentation mentale et le réel en soi. Mais il fait de sa représentation un masque. Traiter le masque comme un puzzle est déjà présupposer que le réel en est un. Et si le réel avait des dimensions que l’esprit n’a pas encore appréhendé ?

Une réponse essentielle échappe encore au philosophe. Il accepte que son esprit, bien que n’accédant pas à la réalité en soi, lui soit intégré par sa constitution. Son seul outil d’analyse est à la fois dedans et dehors. Comment est-ce possible ? Manque une théorie du mental convaincante. Confronté à cette lacune, le philosophe reste fondamentalement dualiste. Sa vision est un puzzle superposé au réel en soi. L’espace entre eux est à la fois menu et inconnu.

La traversée de cet espace étant impossible, le philosophe devrait s’imputer non pas une connaissance mais une ignorance totale du réel. N’a-t-il pas auto-fabriqué entièrement sa réalité, de son côté de la séparation ? Nous n’avons jamais vraiment mesuré le coût du dualisme assumé. La majorité d’entre nous se tiennent d’un côté ou l’autre de la séparation, matérialistes ou existentialistes, classés par le dualisme mais ne le pratiquant pas. Traitement palliatif de cette fracture schizophrénique de l’esprit.

La pensée verticale gomme la fracture. Elle n’établit pas d’emblée une continuité entre l’esprit et le réel en soi. Elle dit simplement : puisque l’un est issu de l’autre, il existe un développement du réel en soi qui le transforme profondément, au point que la nouvelle apparence ne reconnaît plus son géniteur. C’est la dimension du développement qui nous échappe. La pensée verticale est la reconnaissance d’une auto-organisation du réel qui crée des émergences. Une émergence est un plan de réalité étranger à sa constitution. Pas indépendant. La causalité des micromécanismes n’est pas dénigrée. Ce qui est étranger est une qualité, non présente dans la constitution, du moins invisible avec les outils quantitatifs utilisés pour mesurer la constitution. Le réel est une pile de niveaux de réalité et non un puzzle.

La complexité est une caractéristique reconnue du réel. Mais elle est considérée comme une apparence et non comme une dimension au même titre que les variétés spatio-temporelles. Philosophes comme scientifiques font par défaut de la complexité une projection de l’esprit sur le réel. Elle n’a pas d’équations, pas de principe fondateur. Sa prise en compte n’apporte rien aux paradigmes déjà installés efficacement dans leurs disciplines. Nous nous passons très bien de la dimension complexe. Il suffit de positionner son esprit au bon endroit du puzzle et connaître la théorie qui s’applique à cet endroit. L’assemblage des pièces ne présente alors aucune difficulté. La pensée horizontale est rarement prise en défaut. De même que le temps universel, ou le libre-arbitre…

La pensée verticale n’est indispensable que si nous désirons construire une représentation wholiste de la réalité, où notre esprit se trouve enfin inclus, sans être réduit par le matérialisme. Non seulement il garde sa plénitude, mais il occupe le sommet de la dimension complexe (dans l’attente d’être détrôné par une entité plus complexe encore). Ce belvédère permet d’affirmer le réalisme du regard de l’esprit sur la matière. Nos représentations mentales ne sont plus virtuelles, illusoires disent les béhavioristes ; elles sont aussi concrètes dans leur plan de réalité que les atomes dans le leur. Cette concrétisation apporte une solidité inédite à l’existentialisme.

Dans l’espace 4D une chose peut entrer en relation avec une autre, située sur d’autres coordonnées. Relation bidirectionnelle. La concrétisation de la dimension complexe apporte ce bouleversement : un plan de complexité est en relation avec les autres, bidirectionnellement. Cette faculté n’est pas réservée à l’esprit humain. Un organisme sans cerveau établit une représentation de son environnement, en tant que synthèse de ses fonctions, un niveau d’information supérieur à sa constitution. L’autre direction est sa dépendance vis à vis de cette constitution.

Dimension complexe et pensée verticale ne sont pas des lapins tirés du chapeau. Dans Surimposium, je démontre la réalité ontologique des niveaux de réalité émergents, à partir de mécanismes bien identifiés : intrication quantique, défaut topologique, transition de phase, rupture de symétrie, thermodynamique.

Se concrétise alors également le double regard, précieux pour éviter les effronteries proclamées d’un des bords du précipice entre matière et esprit. Le double regard affirme les deux directions dans la dimension complexe irréductibles l’une à l’autre. La représentation d’une chose n’est complète qu’en associant les deux images.

Trop abstrait ? Voyons une application pratique. John Horgan, un philosophe des sciences qui blogue pour Scientific American, s’est attaqué au problème corps-esprit. Il affirme que la théorie de l’information intégrée (TII de Tononi) est une tautologie, parce son concept fondateur, l’information, présuppose la conscience. La tautologie n’existe qu’en s’isolant d’un côté du précipice, ici le côté esprit qui dénigre au réel en soi la propriété de l’information. D’autres font la même chose que Horgan du côté opposé, par exemple Tegmark avec son hypothèse d’un univers mathématique, qui dénigre à l’esprit toute propriété des informations. Les deux hommes sont isolés par un fossé qui n’existe pas. La pensée verticale leur permettrait aisément de concilier leurs points de vue.

Deuxième exemple historique : Boyle vs Hobbes, l’expérience ou la théorie ? Robert Boyle est un des fondateurs de la méthode expérimentale. En 1659 il conçoit la première pompe à air, destinée à faire le vide. Le vide existe-t-il vraiment ? Cela reste un problème métaphysique. Pour Boyle la connaissance ne peut venir que des résultats des mesures, et des témoins de l’expérience. Thomas Hobbes, philosophe scientifique, pense exactement l’inverse. Les faits expérimentaux véritablement objectifs n’existent pas. Ils procèdent d’une certaine interprétation de la nature. La fiabilité des instruments est inconstante, conduisant à des connaissances approximatives, contrairement à la pensée abstraite. Il faut donc, pour Hobbes, édifier des théories par l’usage de la raison, sur le modèle des mathématiques.

Boyle et Hobbes utilisent chacun un regard, démarrant d’une extrémité de la dimension complexe, en sens inverse de l’autre. Le regard de Hobbes est descendant et part de l’abstraction consciente vers le réel en soi. Celui de Boyle est ascendant et part du réel vers sa conscience. Boyle laisse le réel en soi s’exprimer, lui donne la propriété de l’évènement expérimental. Tandis que Hobbes laisse sa réalité consciente s’exprimer, donne à sa prédiction théorique la propriété de l’évènement. Intuitivement nous devinons que ces deux directions sont nécessaires. C’est le cas. Aucune ne peut remplacer l’autre. S’isoler dans l’une est une réduction. S’ils connaissaient le double regard, Boyles et Hobbes auraient tous deux reconnu la pertinence de l’opinion de l’autre.

Si vous cherchez des références sur la pensée verticale, vous tombez inévitablement sur la référence à Edward de Bono, qui la différencie de la pensée “latérale”. Rien à voir avec la pensée verticale du Surimposium. Edward de Bono s’intéresse aux méthodes de développement personnel et non à la relation de l’esprit avec la réalité. Sa pensée latérale ressemble plutôt à ma verticale, avec la prise en compte des différentes solutions à un problème, tandis que sa verticale est mon horizontale, aboutissant à la solution unique tissée par le couple induction/déduction. Edward de Bono tend à opposer la pertinence de ses pensées verticale/latérale. Dans Surimposium j’en fais deux composantes indissolubles, avec des erreurs systématiques si l’on tente de les séparer. Cette symbiose est en effet mimétique de la structure même de la réalité, avec ses niveaux d’organisation superposés. La pensée horizontale permet de se déplacer sur les différentes métastabilités d’un niveau (différentes solutions d’organisation) tandis que la verticale permet de contempler les solutions assemblées et celle actuellement privilégiée.

La verticalité, nouvelle dimension indispensable à votre pensée.

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Qu’est-ce que le double regard ?

Le double regard est une notion fondamentale sur la manière dont notre esprit appréhende la réalité. A propos de toute chose se séparent deux approches : 1) Comment la chose s’est-elle constituée ? 2) Comment la chose apparaît-elle dans le contexte où elle est formée ?

En considérant toute chose comme structurée, ces regards sont deux directions de la dimension complexe : 1) Le regard ascendant (des micromécanismes moins complexes vers la chose). 2) Le regard descendant (des observateurs plus complexes vers la chose).

A la conjonction de ces deux regards se trouve une même chose, sous deux aspects très différents :

1) Pour le regard ascendant la chose est une continuité d’interactions régies par des règles. Il n’existe pas d’« éléments » puisque toute individuation est elle-même issue d’interactions sous-jacentes. L’origine (virtuelle) ne voit pas les résultats mais seulement le processus se poursuivant.

2) Pour le regard descendant la chose est un résultat, une discontinuité, une individuation dotée de propriétés particulières. Les micromécanismes sont également des individuations. La réalité des choses apparaît comme un empilement de plans d’existence.

Le regard ascendant est voisin de l’ontologie des philosophes. La différence est que l’ontologie est inaccessible. L’origine des choses n’est pas connaissable. Elle n’est appréhendée qu’à travers des représentations propriétaires de l’esprit. Autrement dit le sommet de la dimension complexe simule les micromécanismes de la base. Le regard ascendant naît bien dans le mental et non dans la réalité en soi. Il est l’expression du pôle Réel, la partie de l’esprit consacrée aux représentations de la réalité, au non-soi. Le pôle Réel, en science, est fréquemment confondu avec la réalité en soi. Le scientifique assimile son mental à l’essence des choses. Non. Il est encore un intermédiaire, sinon il n’existerait jamais d’erreurs et de corrections en science.

Le regard descendant est voisin de l’épistémie des philosophes. Il assume sa subjectivité vis à vis des choses. Mais il est complètement objectif en tant que sensations éprouvées, identitaires. Le regard descendant est l’expression du pôle Esprit, la partie de l’esprit consacrée aux représentations du soi. Univers personnel indépendant de celui du pôle Réel, variablement accepté comme imaginaire.

Les deux regards sont forcément conflictuels. Ils regardent une même séquence d’états de manière contradictoire. Pour le regard ascendant la cause est devant le résultat. Causalité privilégiée. Pour le regard descendant le résultat est devant la cause. Finalité privilégiée.

Le conflit entre les deux regards est inévitable et nécessaire. C’est par lui que la chose n’est pas réduite à l’un de ses aspects (ce qui empêcherait de l’appréhender entièrement). La chose en soi n’est pas accessible, mais le double regard permet de la cerner. Rien n’est oublié. L’esprit cherche d’une part à s’éprouver comme la chose et d’autre part à la comprendre. C’est ainsi qu’il peut recréer la complexité de la chose, sans perdre de vue de ce qu’elle est en tant qu’entité.

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Les philosophes et la souffrance animale

Le propre de la philosophie est prendre en compte toutes les dimensions du discernement humain. S’émouvoir en fait partie au même titre que raisonner. Les philosophes contemporains s’émeuvent donc sans hésiter devant la souffrance animale. Mais ce faisant, ne contredisent-ils pas la raison ?

Les philosophes de la souffrance animale ont communément opéré une glissade : ils pointent l’intolérance qu’il faut avoir à la souffrance de son semblable et la transfèrent sans hésiter à l’animal. L’opération est ensuite prestement dissimulée. Sensibilités humaine et animale sont encapsulées ensemble dans « la » souffrance.

Jeremy Bentham dit ainsi des animaux : « La question n’est pas: “peuvent-ils raisonner ?”, ni “peuvent-ils parler ?”, mais “peuvent-ils souffrir ?” » Non, cher Jeremy, vous vous êtes arrêté en chemin ; la question suivante est : “Peuvent-ils souffrir comme des humains ?”

Kant, chantre inégalé de la raison, ne fait pas cet amalgame. Il critique la cruauté envers l’animal parce qu’elle met en danger l’empathie pour nos propres congénères. Kant a conscience de ces vases communicants que sont les sensibilités humaine et animale, mais il ne les confond pas.

Prophyre exacerbe même les différences. « Mettre sur le même pied plantes et animaux, voilà qui est tout à fait forcé ». Les seconds ressentent, craignent ; les premières n’ont pas de sensations. Prophyre voit les écarts entre les grandes classes du vivant. Mais n’y aurait-il pas des écarts entre animaux, voire entre humains ? Les animaux ressentent-ils l’injustice, le dommage moral ? Il est permis de douter de l’universalité de ces sentiments, puisqu’ils sont faibles ou absents chez une partie non négligeable des humains, malgré que tous soient équipés du même cerveau.

Les classiques comme les contemporains tendent à généraliser l’animal comme ils généralisent à tort l’humain. La question finale à poser pour Bentham n’est pas seulement « Qui souffre? » mais « Qui fait souffrir ? »

L’humain irresponsable ne fait-il qu’ignorer la possibilité de souffrance animale ? Il pèche par méconnaissance. Mais que savent vraiment ceux qui prétendent en avoir connaissance alors qu’ils en font transfert ?

L’humain rustique calque-t-il sur l’animal sa propre insensibilité à la souffrance ? Il procède de la même façon que le tendre calquant son hypersensibilité.

L’humain névrosé épanche-t-il son amertume en déclenchant sciemment une souffrance animale dont il a connaissance ? Pauvre bête choisie comme succédané au responsable de la névrose, hors d’atteinte. La souffrance animale n’est pas vraiment éprouvée par son auteur. L’animal est chosifié en tant qu’acteur dans le théâtre de cet esprit malade.

Ces cas de figure ne sont-ils pas terriblement contrastés ? Ils sont pourtant confondus dans une déclaration générale telle que :  « La souffrance animale inutile est évitable ». Comment dire la souffrance chez l’animal quand elle est déjà difficile à verbaliser chez l’humain ? Cette difficulté doit-elle pousser par défaut à les rendre semblables ? Qu’est-ce qu’une souffrance utile/inutile ? Pour qui ? Que faire devant ceux qui, loin de l’éviter, la provoquent intentionnellement ? Et s’ils exorcisent ainsi des cruautés pires envers leurs semblables ?

Je me contente ici de reposer le problème dans le cadre du Surimposium. Il s’agit d’une pyramide de niveaux d’information sur lesquels il faut enquêter indépendamment. Certains philosophes contemporains (Singer, Kymlicka, Donaldson) font exactement le contraire avec une idéologie qui les efface. Chez eux, un diktat surnage : « Mettons fin à la souffrance animale parce qu’elle est la nôtre ». Bourde grossière, surtout parce qu’elle suppose au préalable que la souffrance humaine serait homogène. Nous sommes loin de l’avoir rendue ainsi. Cette idéologie ne peut que détourner des efforts à réduire la souffrance que nous sommes réellement aptes à comprendre : l’humaine.

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