Race, sexe, et discrimination

Étymologie d’ostracisme: exclusion de la vie publique. Lors de temps troublés, les athéniens inscrivaient sur un morceau de poterie ou une coquille (ostrakon en grec) le nom de la personne dont ils considéraient les idées comme les plus dangereuses pour la cité. La personne était bannie pour dix ans. Aujourd’hui le terme indique une exclusion sociale injuste, parce que les raisons en sont imaginaires ou non élucidées. Tournure péjorative. Pourtant il existe une place pour la méfiance fondée sur les a priori. Elle cible un flou, où se dissimule potentiellement un problème. C’est la pensée manichéenne qui crée l’aspect injuste : si la personne n’est pas démontrée coupable elle est donc innocente. Cette justice binaire facilite la vie des tribunaux mais n’est pas très avisée dans la vie courante. La suspicion évite quelques déceptions. La réalité est nette dans l’esprit qui se décharge de ses embarras, floue dans celui qui les assume.

L’étymologie de racisme est moins identifiée. Pas d’origine latine directe. Le terme pourrait être un retraitement de ratio (connexion avec rationem ‘raison’ qui désigne le classement par un ordre à respecter), ou issu de radix (racine) ou encore de l’arabe ras (tête). Tout cela nous ramène au tri par un critère d’origine. L’utilisation de ‘race’ avec des critères biologiques est tardive et source de malentendus : des critères physiques humains sont bien d’origine génétique mais ne peuvent servir à fonder des sous-espèces. En ce domaine ‘race’ devrait être remplacé par ‘ethnie’. L’emploi désastreux du terme ‘racisme’ l’a rendu encore plus péjoratif qu’ostracisme, alors que ce devrait être le contraire. Initialement ‘ostracisme’ servait bien à exclure, et ‘racisme’ seulement à classer. Là encore c’est la pensée manichéenne qui a causé grand tort à ‘racisme’. Il s’agissait de séparer radicalement des humains alors qu’ils ont plus en commun qu’on ne le croit.

Conservons dans cet article les impressions habituelles que vous avez de ces termes : ‘ostracisme’ est un peu méchant et ‘racisme’ vraiment ignoble. Mais je vais essayer de vous les séparer davantage. Voici une étymologie personnelle : prenez ‘rat’ à la base de racisme, et ‘autre’ à celle d’ostracisme.

Le rat est un concurrent. Il parasite ma maison, vole la nourriture. Je l’abhorre et pourtant il ne fait qu’exister, chercher à survivre, obtenir les avantages dont je profite. Il fait la même chose que moi. Il me ressemble. Le racisme est une ardeur à dissimuler la ressemblance. Ainsi je peux détester sans retenue mon rival. Je peux l’empêcher d’empiéter sur ma propre existence.

L’autre est un inconnu. La prudence s’impose. Manque une représentation exacte à son sujet. Peut-être raisonne-t-il de manière très étrangère à la mienne. L’ostracisme est une méfiance envers ce qui est différent de moi, parce qu’il est menace potentielle pour mon existence.

Racisme et ostracisme agissent-ils alors de concert pour me protéger ? Non. Autant l’ostracisme est judicieux, autant le racisme est vicieux. La défiance de l’ostracisme vise le non-moi, mais pour le racisme c’est moi !! A l’ostracisme je devrais associer l’amour du moi, l’appréciation de cette partie de moi dans les autres, et non le contraire. Le racisme est un aveuglement qui fait de l’autre un étranger radical. Il fait pire que la détestation d’un rat. La haine du concurrent humain, plus dangereux, atteint des sommets plus élevés encore. C’est par elle que le racisme devient aussi dévastateur.

La discrimination des sexes est un racisme. La femme appartient à la même espèce que l’homme et cherche comme lui à acquérir du pouvoir. Cette similitude insupportable génère le machisme, racisme masculin envers la femme. L’homme exacerbe le caractère soumis de la femme pour dissimuler la part en elle qui lui ressemble, l’éliminer ainsi plus facilement de la compétition.

La circonspection en croisant une bande de jeunes dans un quartier difficile est un ostracisme. Les passants sont informés que le risque d’agression est plus élevé dans un tel contexte. Ils évitent le contact et toute attitude provocante. L’ostracisme est une protection, tandis que le racisme est agression.

Différence importante à capter. L’ostracisme ne fait pas des gens une menace, le racisme oui. L’agression raciste réclame de notre part une résistance ; nous n’avons pas demandé à y participer. Tandis qu’en rencontrant l’ostracisme c’est à nous d’agir ! Il faut contester ces étiquettes péjoratives dans l’esprit d’autrui. Ceux qui réussissent à les effacer sont ceux qui portent le chapeau et démontrent patiemment qu’il n’est pas à leur taille, pas ceux qui l’ont jeté à terre sous l’effet de la colère.

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Le genre, cet obscur objet du désordre

Cette BD de Anne-Charlotte Husson dessinée par Thomas Mathieu retrace avec une grande clarté l’historique des études du genre et les vives polémiques qu’elles ont déclenchées en France. Je vous la recommande chaudement.

Signalons cependant quelques malhonnêtetés et erreurs des auteurs :

Les protestations initiales des associations conservatrices contre les études de genre seraient liées à une mauvaise compréhension de leur rôle. Faux. Elles réagissaient aux interprétations tendancieuses qui en ont été immédiatement tirées. Il faut replacer l’affaire dans le contexte du wokisme américain. Les groupes luttant contre les discriminations sexuelles et genrées se sont immédiatement emparées des études en question pour leur faire dire ce qu’ils désiraient. D’ailleurs la BD revient plus loin sur les opinions contradictoires qui agitent les chercheurs du genre. La polémique visait certaines interprétations et non un ensemble d’études que les protestataires n’ont jamais lues.

Les auteurs mettent la direction épistémique (l’influence de la culture sur le contenu des théories fondamentales) sur un pied d’égalité avec la direction ontologique (la nature influençant les comportements culturels). Faux. Le mental est une organisation des processus ontologiques et non un point de départ surgi du néant. La causalité est d’abord ontologique, avant que l’épistémie soit une rétro-causalité. Les deux directions ne sont pas équivalentes.

La BD insiste à juste titre sur les convictions préexistantes des chercheurs, déjà inscrites en eux par la culture mais auxquelles ils sont aveugles. Étonnamment les auteurs n’appliquent aucunement ce questionnement à eux-mêmes. Comment sont-ils influencés dans leur enquête et leur façon de présenter la BD ? Seraient-ils immuns à l’évolution wokiste de la culture, de la morale, du désir de présenter une démarche originale ?

Pour ces raisons, la neutralité scientifique de la BD est contestable.

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Qu’est-ce que le féminin et le masculin ?

Nous connaissons un dualisme franc, femelle/mâle, le sexe génétique. Il fonde une organisation complexe aboutissant à l’humain adulte. A cet étage le dualisme femme/homme est plus flou. Il a pu s’inverser, ou créer des catégories intermédiaires. Le genre a remplacé le sexe. Sans être complètement indépendant. Quel est alors le principe reliant sexe génétique et genre ? Comment le suivre dans le chemin qui sépare génétique et conscience de genre ?

Les paradigmes de nos gènes et nos consciences sont tellement séparés qu’il faut s’interdire d’appliquer l’un à l’autre. La biologie moléculaire ne rend pas compte du genre, les désirs conscients n’expliquent pas le jeu des chromosomes. Supposons que ces paradigmes, s’ils sont reliés, relèvent d’un principe plus fondamental que j’utilise constamment dans Surimposium : le conflit individu/collectif.

Rappelons que ce conflit n’est pas entre ‘moi’ et ‘les autres’, mais un dualisme présent dans chaque individuation, d’un côté “ce qui veut se séparer”, de l’autre “ce qui fait partie du reste”, par ses relations. Je suis ‘moi’ et aussi ‘partie du tout’ formé avec le reste. Le titre exact de ce conflit est : soliTaire versus soliDaire (T<>D).

Appelons ‘masculin’ le versant soliTaire de ce dualisme, et ‘féminin’ le versant soliDaire. Voyons ce qui en émerge.

La génétique est un produit de l’évolution. Les gènes mutent et survivent par la sélection des espèces. L’individu est capital pour l’espèce. Chacun est un nouveau modèle susceptible de montrer des talents décisifs. Le collectif est tout aussi essentiel. Les talents se répandent par coopération et mimétisme. L’évolution tend ainsi à exacerber les deux postures, soliTaire et soliDaire. Les individus forment des sociétés. La manière dont ils l’organisent pour équilibrer les deux postures antagonistes fait la compétitivité de l’espèce.

Cet équilibre, nous le retrouvons dans les gènes. Le dualisme du sexe marque l’exacerbation des postures soliTaire et soliDaire. A charge de chaque individu, ensuite, de les faire dialoguer en soi, puis au sein de ses congénères.

Le versant soliTaire est ‘masculin’, ai-je postulé. Se démarquer des autres par ses performances. Ma survie avant tout. Répandre ma semence le plus largement possible. Toutes ces incitations sont individualistes. Soutenues par une agressivité naturelle. J’impose mes choix. Le versant soliDaire est ‘féminin’. Prendre soin de la progéniture. Trouver le compagnon qui sait protéger. S’intégrer aux autres. Faire du groupe la cible majeure de la survie. Incitations collectivistes, soutenues par l’empathie et la compassion. Je me mets à la place de l’autre. Ses souffrances sont les miennes.

Nous voici munis d’emblée, par la génétique, d’un versant dominant : masculin chez les XY, féminin chez les XX. La physiologie du XY lui fait montrer davantage d’agressivité, de désir de se singulariser. Celle du XX l’encourage à travailler pour les autres, de progresser en réduisant les inimitiés. Le masculin comme le féminin parviennent à se faire admirer… parce que nous en possédons tous une part qui leur est sensible.

Que deviennent ces incitations initiales avec la maturation ? Une société est une culture existante, c’est-à-dire la gestion des rapports masculin/féminin depuis des générations. Organisation longtemps fondée sur le phénotype sexuel. Un souci, déjà, pour ceux qui correspondent mal au phénotype habituel de leurs gènes. Garçons efféminés et filles à forte carrure. C’est un handicap dès le jeune âge. Une partie de l’entourage leur projette une place classique. Mais le reste forme une image discordante. Des brimades, déceptions, agressions à motif sexuel, fâchent éventuellement avec le genre qu’on veut nous attribuer. Au point de se sentir étranger à notre sexe génétique. Mais qu’est-ce qui est véritablement propriétaire dans la manière complexe dont cette sensation s’est formée ?

J’ai l’impression d’être davantage moi-même quand je me suis rebellé contre une influence étrangère. Mais si je suis devenu complètement différent du moi qui n’aurait pas vécu cette rencontre, le nouveau moi est-il vraiment ma propriété ou celle de l’étranger ? Sans doute dois-je admettre au moins que je la partage avec lui.

La lutte pour l’égalité des sexes vise à l’harmonisation des droits individuels. Qu’oublie-t-elle de fondamental ? Qu’il est également essentiel d’harmoniser les devoirs individuels. Dans la relation entre nos parts soliTaire et soliDaire, les deux directions sont importantes. Si nous renforçons le pouvoir d’une partie des individus au sein du tout, il faut trouver pour la société un renforcement équivalent face aux individus, sinon un déséquilibre est créé.

Manifestement, c’est ce qui s’est produit avec le mouvement féministe. Les militantes se sont préoccupées uniquement d’obtenir pour les femmes des avantages individuels équivalents aux hommes. Elles n’ont pas exigé des hommes qu’ils développent leur âme solidaire. Comment auraient-elles pu le faire, alors que la démarche obligeait à mettre la leur en veilleuse ? Pas d’autre moyen. Gagner du pouvoir pour soi c’est inévitablement récupérer de celui qu’on a abandonné aux autres. La tendance a été accentuée par l’élitisme des premières militantes. Elles ont du s’extraire d’une masse féminine largement collectiviste, c’est-à-dire d’après les critères de l’époque : soumise. Une seule voie a semblé pertinente à ces intellectuelles : exalter les valeurs individualistes chez leurs consoeurs. Une autre était possible, à la Gandhi : encourager une résistance passive et générale des femmes face aux abus de l’égotisme masculin. Refuser d’assurer les tâches familiales et communautaires habituelles. Que le chaos consécutif montre la portée du collectivisme. Que les hommes réalisent la nécessité de cette part en chacun, non délégable aux autres.

Mais la culture occidentale est trop fondée sur l’affrontement individuel pour que cette politique ait été choisie. Un siècle de lutte militante a presque haussé les droits individuels des femmes à ceux des hommes. Parallèlement s’est effondré le collectivisme naturel, qu’elles supportaient pour l’essentiel. La société est aujourd’hui celle de l’individu-roi, obligé d’être rappelé à ses devoirs solidaires par une législation carcérale. Très peu d’entre nous donnent ou partagent spontanément. Et ceux qui le font ont l’impression croissante d’être dindons naïfs, parce que leurs efforts sont une dilution homéopathique dans un vaste océan d’indifférence. La société n’est plus symbole d’une solidarité empathique mais vaste administration gérant la répartition des droits individuels. Parce que le collectif a régressé dans nos esprits, son seul support matériel. La solidarité n’a d’autre emplacement que la fusion de nos parts solidaires.

Le masculin a dévoré le féminin. Il dominait chez les XY. Le voici avec la même arrogance chez les XX. Le féminin devenu évanescent, il ne faut plus chercher à l’associer à un phénotype. Le genre a ceci différent du sexe qu’il est devenu trait de personnalité parmi d’autres. Il n’est plus le caractère central qui coordonnait les attitudes des générations précédentes. Désormais ne nous étonnons pas d’un égotisme abrupt chez une femme ou d’une mansuétude outrancière chez un homme. Les tendances physiologiques sont effacées. A quel point ce gommage est-il un diktat culturel inverse du précédent ? Difficile à dire.

Plus fautifs que les féministes dans l’effondrement du collectivisme : les hommes de pouvoir, qui n’ont rien fait non plus pour inciter les mâles à amplifier leur part solidaire. Les machos se sont barricadés. Se disputer avec un nouveau bataillon d’individualistes en jupon, ils savent faire. La bagarre est leur domaine. Mais devenir eux-mêmes plus féminins, pour couper court à la vague d’agressivité de ces dames ? Impensable. Un reniement de soi. Un renoncement aux avantages acquis. Acquis ? Pas vraiment. Donnés à la naissance par une société profondément patriarcale.

Les sages n’ont fait que freiner la tendance égotiste générale pour laisser la société s’organiser en conséquence. Personne n’a averti que l’équilibre final aurait une couleur plus sombre, moins humaine, celle d’un consensus entre prédateurs. Un monde où la solidarité serait gérée et non plus éprouvée. Critiquer le combat féministe est dénoncé systématiquement comme anti-féminisme alors que c’est, de la manière que vous lisez, un anti-combat. Que femmes et hommes se rejoignent ne veut pas dire transformer les premières en seconds. Ce n’est pas une masculinisation générale de la société qui est recherchée.

Qui d’autre aurait pu défendre le collectivisme ? Le rôle semble dévolu à l’église, héraut théorique du vivre ensemble. Mais la foi chrétienne a cessé rapidement, après sa création, d’être une bousculade. Elle a passé des traités avec les pouvoirs terrestres, devenant médiatrice du conflit entre ego(s) et Dieu symbole du collectif. Longtemps patriarcale, elle semblerait indécente à critiquer les efforts des femmes pour s’extraire de leur gangue de soumission. Sa tâche était d’exhorter continuellement les hommes à s’en préoccuper. Nos soeurs ont autant de valeur que nos frères. Pourquoi cela ne s’est-il pas vu dans la vie terrestre pendant des siècles ? Dieu semble bien le reflet de ses créatures plutôt que l’inverse.

Pauvre féminité. Elle n’a plus bonne réputation chez les féministes, qui la définissent comme un « héritage séculaire de disponibilité sexuelle, dévouement maternel et dépendance matérielle ». Penchons-nous de plus près : c’est exactement la définition du collectivisme, du souci envers l’autre prenant le pas sur le souci de soi. En répudiant la féminité, les féministes se débarrassent également de tâches solidaires classiquement assurées par les femmes, entrave à leur réalisation personnelle. Qui va désormais former le ciment du collectif ?

Le terme de ‘machisme féminin’ vous semblera peut-être exagéré. Et pourtant il est devenu naturel chez nos contemporaines. Un exemple ? Je cite Gabrielle Suchon, relayée par Philomag : Les femmes hétéros embrassent le célibat volontaire. Le couple hétérosexuel peut-il être sauvé ? Pas sûr, répondent de plus en plus de militantes féministes. L’autrice réalise-t-elle que son admonestation est le discours radical des mâles célibataires depuis quelques décennies ? Elle taille dans la blessure déjà ouverte par les plus égotistes d’entre eux sur la vie en couple. Cibler les hétérosexuels n’épargne pas les homosexuels. La vie partagée est l’acceptation des différences. Comment sauver l’idée du compagnonnage si le principe même de l’altérité est attaqué ? Féministes et machos narcissiques côte à côte pour découronner puis décapiter la molécule sociale élémentaire !

Ce n’est pas une surprise, puisque tous sont hérauts du masculin. Ils s’attaquent au cercle élémentaire du féminin, de la fusion première avec l’autre. Cette base détruite, le reste de l’édifice social suivra. Plus de conscience collective pour imposer ses diktats à notre ego. Plus de solidarité obligatoire s’imposant à celle que nous n’éprouvons plus.

Voyons de plus près cet archaïsme menacé, le couple. En tant que rouage fondamental, il montre parfaitement comment fonctionne le collectivisme. Le couple est un tout formé par les deux esprits membres. Virtuel mais pas davantage que ces deux esprits. Je suis moi et j’appartiens à un couple. Son existence est une indépendance authentique et mérite un nom tiers. Je l’appelle le « Troisième Larron ». Larron ? Un voleur, le couple ? Bien sûr. Il vole à chacun une partie de son indépendance pour constituer la sienne. Nous acceptons une perte de pouvoir individuel, pour en gagner davantage, conjointement propriétaires de cette puissance supérieure. Pouvoir bonifié par la mise en commun des moyens, et surtout leur coordination qu’il faut améliorer par une réflexion permanente. Le Troisième Larron est agitateur de l’esprit. Chariot élévateur !

Du moins il joue ce rôle si le couple est bien compris comme fusion et non appropriation de l’autre. La mauvaise réputation du couple vient de sa compréhension erronée. Qu’est-ce qui m’attend ? Je ne suis pas en train de m’offrir un smartphone ou un objet d’art. Je cherche la personne qui va profiter de la fusion autant que moi-même. Car c’est son augmentation de pouvoir à elle, additionnée de la mienne, qui fortifie le Troisième Larron. Dans toute association, je me renforce des moyens volontairement unis aux miens, pas des esclaves contraints. Moins j’utilise de pressions, plus je renforce le Troisième Larron ; plus je vois de candidatures spontanées pour y participer.

Il a existé des périodes où le nombre d’engagés n’était pas sévèrement encadré 😉 Malheureusement pour mes lecteurs tentés par le poly-amour, ces communautés conjugales ne fonctionnent qu’entre personnes foncièrement collectivistes. Devenu difficile avec l’essor contemporain de l’individu-roi. Même le couple classique culbute.

Ceux qui pensent que le couple n’a rien d’une contrainte n’ont jamais rien saisi de sa présence. Ou bien ils sont tellement assimilés au Troisième Larron que l’ego est zappé. Cas des couples très fusionnels, récemment formés. Pour les autres, le couple est bien une présence qui s’invite dans leurs décisions. Pas un tyran. Un niveau de conscience supérieur qu’ils partagent volontairement avec l’autre. Amorce d’un engagement collectiviste plus large avec les gens qui nous entourent. Êtes-vous prêt à aller plus loin ? Nous pouvons supposer que ceux qui refusent d’abandonner du pouvoir au couple ne seront pas plus enthousiastes pour en donner à la société. Leur désengagement du devoir individuel est déguisé en “lutte pour les libertés individuelles“. Grands mots du masculin destinés à écraser le féminin. Maintenant nous avons autant de femmes que d’hommes pour les prononcer.

Apprendre à désincarcérer la féminité. Maîtriser la masculinité. Les hommes, parce qu’ils en ont été longtemps esclaves, sont aujourd’hui les plus nombreux à avoir réussi. Ils attendent que davantage de femmes démilitent et les rejoignent.

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Hétéro ? La flemme

S’il existe une puissance indéniable au féminisme militant, c’est bien dans sa capacité à transformer une femme au cortex bien agencé en simplette de service. L’éboulement frappe aujourd’hui Victorine de Oliveira, philosophe par ailleurs merveilleuse intervenante sur Philomag. A la lecture de ‘Réinventer l’amour (Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles)’ elle voit confirmé ce « dont elle avait l’intuition depuis un bout de temps ». Intuition ou friandise pour un psychanalyste ? Victorine se livre sans fard.

Tout militantisme pèche par réduction. Le féminisme n’y échappe pas. Chaque constat de Victorine est un angle caricatural spécialement choisi pour masquer les autres. Voyons cela :

Les femmes sont encouragées par la société patriarcale « à se faire plus petites ». Cf Sarkozy et Bruni sur une couverture de Paris Match, qui inverse leurs rapports de taille. Mais Victorine, faites-vous la différence entre l’apparence que chacun choisit pour le collectif et l’image de soi ? Les femmes très maquillées sont-elles toutes des poules racoleuses ? En vous maquillant, n’êtes-vous pas en train de valider un code patriarcal ? Cette photo, à moi, ne dit rien des relations intimes entre Sarkozy et Bruni, seulement qu’ils souhaitent montrer une image conformiste de leur couple au public.

Victorine « ne compte plus les fois où elle a douloureusement fait l’expérience [de l’infériorité féminine] ». Bellâtres méprisants, inquiétés par son érudition castratrice. Mais Victorine, si vous n’avez toujours pas trouvé votre couple fusionnel, qui donc rencontrez-vous, à votre avis ? Les garçons sensibles, intelligents, drôles, prévenants, si sincèrement amoureux qu’ils sentent valorisés plutôt que menacés par vos qualités ? Non. Ces perles rares sont casées depuis longtemps, depuis le lycée sans doute. Restent les individualistes opiniâtres, ceux qui cherchent dans la femme de rencontre un miroir caquetant « Tu es beau, puissant, génial ». Dans la bouche d’une femme éveillée ça sonne faux. On évite sa fréquentation. Ces hommes-là dissimulent derrière une cuirasse musclée une fragilité terrifiante, une assurance tellement infantile qu’elle ne peut supporter aucun auto-examen.

Vous lirez bientôt sur ce blog ce que signifie le couple, en tant que ‘troisième larron’ surimposé aux egos des deux compagnons. Ce larron est rarement partagé équitablement. Raison du déséquilibre guettant la majorité des ménages. Vivre en couple n’est pas se rendre indispensable à l’autre. Cela, seul votre ego en profite. Rendre le troisième larron séduisant pour l’autre est que lui aussi soit valorisé. Ainsi, Victorine, si tu veux intéresser un compagnon autrement qu’en tant que paire de fesses, est-ce judicieux de parler seulement de tes attentes ? N’est-ce pas faire la même chose que le macho d’en face ? Égotisme peu soucieux d’un quelconque collectivisme dans cette relation…

J’en arrive aux définitions du masculin et du féminin, qui feront également l’objet d’un article indépendant. Je les déconnecte du sexe biologique, pour en faire les parts individualisante et collectivisante de notre personnalité. Il devient facile de parler d’hommes féminins et de femmes machos. Précisons que la féminité n’a rien à voir avec le féminisme. Les militantes sont au contraire des modèles de machisme XX. Je ne m’en fais pas des amies, en parlant ainsi. Mais je leur pose la question : Si la féminité est le collectivisme envers autrui, où est la vôtre quand elle exclue la moitié de l’humanité ?

Victorine n’observe jamais chez une femme cette propension à inférioriser l’autre. Elle n’a pas du fréquenter beaucoup les entreprises. La tendance inégalitaire n’existerait pas chez les homosexuels. Tiens ? Je constate au contraire chez eux la reproduction des mêmes postures féminines et masculines exacerbées, comme chez les hétéro. Si le couple est un lieu d’échange, ce qui passe dans les deux directions n’est visiblement pas la même chose. Peu importe, tant que les deux directions sont bénéficiaires. Un couple fusionnel, c’est deux astres qui gravitent très proches de l’autre, pas une identité unique, pas un double de son propre ego.

Victorine, si au lieu de bâtir des théories sur les étoiles solitaires comme toi-même, tu examinais les couples soudés ? Ceux qui ont réussi à échapper au conflictuel 50-50 en triangulant leur vote avec celui du troisième larron ?

Et pourquoi les mâles qui t’attirent sont-ils systématiquement ces machos aussi durs à l’extérieur que fragiles dans leur assurance intérieure ? L’extérieur séduit-il ton désir de sécurité ou l’intérieur celui de maternité ?

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