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Cervicalgies et NCB Mise à jour 7/07
De la lésion anatomique aux symptômes et au traitement

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1) Discopathie simple
Radiologiquement fréquente. Beaucoup moins souvent symptomatique qu'au niveau lombaire, probablement parce que sur les disques lombaires, les pressions sont plus importantes et statiques. Les cervicales sont mobilisées souvent et sur des amplitudes plus importantes.
Physiopathologie:
Inflammation discale subaiguë intermittente tentant de réparer des dégâts discaux liés à une mobilité anormale ou des pressions locales excessives.
Diagnostic:
Sensibilité cervicale chronique plutôt que douleur, mal localisée, peu latéralisée, réveillée par tous les mouvements mais de façon modeste, pas de NCB ou autre irradiation.
Traitement:
Les AINS sont efficaces mais je les déconseille sauf en cas de phase aiguë en tant qu'antalgiques. Ils pourraient avoir un effet d'entretien en réduisant le remodelage discal.
Etirements axiaux auto-appliqués régulièrement chaque jour, renforcement musculaire isométrique en posture indolore, minerve rigide pour les cas les plus difficiles.

2) Hernie discale molle
Causée par un geste traumatique (activités imposant des tractions brutales sur la ceinture cervico-scapulaire, bras en élévation) plus souvent que par un choc d'origine extérieure. En général pas de cause évidente: hernie progressive;
Physiopathologie:
Hernie molle comprimant le ligament vertébral postérieur et éventuellement une racine.
Diagnostic:
Contexte traumatique ou micro traumatique. Cervicalgie pure plus brutale et plus violente que la discopathie simple, NCB aiguë qui efface la cervicalgie. La radiculalgie a un trajet radiculaire complet et typique. Signes neuro fréquents. EMG positif. Réveil par le "Lasègue" du bras: extension/rétropulsion du bras en rotation externe, tête infléchie vers le côté opposé. Aggravation par les tentatives de traitement manuel.
Traitement:
AINS myorelaxants antalgiques (niveau 3 facile), corticothérapie orale courte. Immobilisation par C2 ou plus rigide. Infiltration foraminale. Tractions cervicales.

3) Dérangement vertébral
Physiopathologie:
Conflit bénin mais aigu (migration intradiscale, traumatisme radiculaire, incarcération de franges synoviales dans une articulaire postérieure, décentrage de surfaces facettaires après faux mouvement ou choc) conduisant à un dysfonctionnement chronique maintenu par les contractures musculaires paravertébrales. Evolution possible vers des lésions permanentes?
Diagnostic:
Début aigu ou rapide. Passage à la chronicité possible, mais on retrouve à l'interrogatoire une période de douleurs plus intermittentes.
Restriction de mobilité dans 1 ou quelques axes, mais certains restent libres.
Douleurs irradiées à la tête, au cou, à l'épaule et au bras selon l'étage, mais territoire radiculaire tronqué. Déclenchement de ces douleurs par un point-gâchette articulaire postérieur.
Traitement:
Le traitement physique (mobilisation non forcée, manipulation respectant la non-douleur et après radio en cas d'échec) est le test diagnostique et thérapeutique: la douleur disparaît rapidement avec la restriction de mobilité.
La récidive évoque un entretien du dérangement par une posture ou une activité professionnelle répétitive, ou une instabilité vertébrale.

4) Instabilité vertébrale
Physiopathologie:
Hypermobilité d'un étage vertébral, généralement secondaire à un traumatisme avec entorse cervicale, parfois micro-traumatismes répétés ou décompensation d'un trauma ancien.
Diagnostic:
Même visage que le dérangement vertébral, mais les douleurs sont plus diffuses et de survenue plus progressive. Surtout le traitement manuel n'entraîne qu'une amélioration brève, voire peut aggraver, même sans manipulation.
Traitement:
Contention modérée lors des postures statiques. Musculation isométrique. Rééducation proprioceptive (calquée sur la rééducation de l'entorse de cheville).

5) Radiculite uncarthrosique
Physiopathologie:
La racine est à l'étroit dans un foramen occulté par une uncarthrose et/ou une arthrose du massif articulaire postérieur. De petits frottements répétés entraînent un oedème de cette racine, qui se retrouve encore plus agressée: auto-entretien. Le conflit est figé et peu inflammatoire, contrairement à la hernie molle. Sa résolution est lente et difficile.
Diagnostic:
Arthrose cervicale pré-existante. Déclenchement par des mouvements répétitifs inhabituels, bras en élévation, ou tractions sur le bras écarté du corps. Début plutôt progressif, le trajet radiculaire est rarement complet d'emblée, souvent cervico scapulalgie initiale puis extension au bras. Pas de signes neurologiques objectifs. EMG normal. Traitement:
Efficacité médiocre ou nulle des AINS et antalgiques, même les corticoïdes oraux sont peu spectaculaires. L'infiltration foraminale est beaucoup moins efficace que sur une hernie molle. Les traitements manuels réveillent la douleur plus souvent qu'ils ne la calment, mais peuvent améliorer secondairement s'ils détendent le foramen. Traitement particulièrement opérateur-dépendant dans cette indication car il ne s'applique pas comme sur un dérangement vertébral (importance d'un diagnostic précis). Traitement le plus sûr, mais lent: immobilisation rigide ou semi-rigide.
Canal cervical rétréci:
Citons ici l'irritation médullaire par un canal rétréci. Ce n'est pas un diagnostic de cervicalgie, mais de disesthésies et faiblesse des membres supérieurs, voire des membres inférieurs. Diagnostic différentiel d'un syndrome du canal carpien bilatéral ou d'une neuropathie primitive. La symétrie des symptômes est évocatrice, très différente de l'évolution à bascule ou de l'irradiation controlatérale secondaire dans les radiculopathies. L'absence de cervicalgies est un piège, mais aussi un argument important quand on pense au diagnostic. Un examen neurologique fin retrouve souvent des anomalies. En fait elles sont presque constantes mais difficiles à authentifier à cause de la variabilité individuelle et en l'absence de comparaison avec un côté sain. C'est le royaume de l'EMG, qui différenciera une myélopathie d'un syndrome canalaire ou d'une neuropathie primitive.

6) Cervicalgies projetées: articulation temporo-mandibulaire, troubles de l'oculomotricité, dent
Physiopathologie:
2 causes très différentes: a) Contraintes asymétriques lors de la mastication et de l'oculomotricité avec répercussion sur la musculature cervicale, directe pour la mastication (ancrage musculaire sur le rachis), indirecte pour l'oculo-motricité (correction automatique du tonus cervical en fonction du tonus oculaire par association des aires motrices corticales). b) Stimulation nociceptive permanente (amalgame dentaire au contact du nerf dentaire) entraînant une pousse dendritique et des anastomoses anormales au niveau médullaire -> douleur d'un territoire totalement indépendant, pseudo radiculaire cervical dorsal ou lombaire (c'est une cause possible de sciatique).
Diagnostic:
Difficile car méconnu: diagnostic inter disciplinaire mal codifié, demandant des notions de posturologie. Y penser devant une douleur permanente peu influencée par les activités et les mouvements du rachis, pas de points douloureux vertébraux nets, avec bilan normal et échec des thérapeutiques habituelles. Toujours demander s'il y a eu un soin dentaire dans les semaines ou mois ayant précédé le début des douleurs.
Traitement:
Celui de la cause quand elle a pu être identifiée: rééducation d'un trouble de convergence, prismes oculaires, gouttières mandibulaires, traitement manuel de l'ATM, ablation d'un amalgame dentaire.

7) Cervicalgies secondaires
La grande crainte patient/médecin, source de multiples examens complémentaires injustifiés. Evitons autant la paranoïa que les oeillères. Il y a des critères bien précis pour évoquer ces diagnostics.
Physiopathologie:
Toutes les causes de cervicalgies secondaires ne sont pas de mauvais pronostic. La migration calcique aiguë donne un torticolis majeur avec handicap fonctionnel impressionnant, mais guérit vite et bien avec les AINS, diagnostic sur les radios: calcification discale ou para vertébrale, qui peut disparaître lors de la crise. Il y a un syndrome inflammatoire biologique franc, et souvent une hyperleucocytose. Les autres causes sont les tumeurs primitives ou secondaires, et les infections, méningites, spondylodiscites, abcès paravertébraux ou pharyngés.
Citons aussi les douleurs musculaires primitives, très rares, contrairement à une idée largement répandue. Même les myopathies et la maladie de Parkinson sont des causes de douleurs cervicales d'origine vertébrale, favorisées par l'insuffisance ou au contraire l'excès de tonus musculaire, et non pas causées directement par ces maladies.
Diagnostic:
Dans les cervicalgies mécaniques, on ne trouve pas: fièvre, amaigrissement, altération de l'état général (les patients peuvent être fatigués par des nuits difficiles, il faut leur poser la question), syndrome inflammatoire ou infectieux biologique. La cervicalgie secondaire doit alarmer aussi par: son importance, pouvant entraîner un repli sur lui-même du patient (qui se plaint moins qu'il le devrait); l'efficacité des antalgiques, bonne mais insuffisante (la douleur mécanique peut être très aiguë, mais comme elle est peu nociceptive, les patients trouvent les antalgiques, même de niveau 2, inefficaces); l'absence d'évolution favorable: le patient mécanique peut se trouver toujours très gêné à la 2ème consultation, mais il est moins inquiet. Le patient avec une métastase ou une infection est toujours prostré. La radio du rachis est indispensable, mais de lecture difficile. L'IRM est l'examen de choix.
Traitement: Etiologique.

8) Cervicalgie refuge
Physiopathologie:
La douleur rachidienne psychosomatique n'existe pas. Il faut que les médecins s'en persuadent sinon ils n'arriveront jamais à sortir d'affaire certains patients. La cervicalgie refuge est la majoration d'une douleur vertébrale bénigne, considérée comme grave par le patient parce qu'il a d'autres soucis et qu'il est plus facile pour lui de "charger" sa colonne. Mais il existe un réel dysfonctionnement vertébral: le patient contracte et se sert anormalement de son rachis. Il crée un effet nocebo qui n'est pas virtuel.
Les vrais simulateurs existent mais sont rares. On n'est pas de toute façon dans la définition de la rachialgie psychosomatique.
Cette vision de la cervicalgie refuge est importante, car on peut l'aborder par les 2 bouts: soit par la psychothérapie et les psychotropes, soit par le trouble vertébral et les traitements physiques. Cette dernière approche est de loin la plus facile. Le patient nous présente en quelque sort le "bout" par lequel il souhaite qu'on l'accroche. Il faut le suivre et dévider le fil de son problème à partir de cette extrémité. Le patient parle souvent plus facilement de ses difficultés personnelles chez l'ostéopathe que chez le psy!
Diagnostic:
Diffusion et non systématisation des douleurs, "j'ai mal partout", théatralisation des symptômes. Pas de limitation d'un axe rachidien en particulier, mais tous sont difficiles. Ancienneté des douleurs, des explorations et des traitements.
Attention de ne pas confondre cervicalgie refuge et secondaire. Le diagnostic de cervicalgie refuge ne doit pas être fait par élimination: il doit être recherché activement, par enquête sur la situation personnelle et professionnelle dès la première consultation, et en ne se fiant pas forcément aux premières déclarations du patient (éviter les questions trop directes). Le contexte culturel est important. Un mélanésien ou un polynésien ne fait pas de cervicalgie refuge, il faut chercher plus avant une cause secondaire.
Traitement:
Assez facile, si l'on tient le bon bout! Traitement physique, empathie et renforcement positif, thérapie comportementale et cognitive. Pour les conflits d'origine professionnelle, il faut impérativement une concertation pluri disciplinaire incluant le médecin du travail. Identifiez surtout les bénéfices secondaires sources d'évolution traînante: cocooning familial, salaire maintenu à son niveau antérieur sans travailler, ou pas de nécessité financière de reprendre son activité (un licenciement pour inaptitude ou une petite rente pour invalidité est souvent le but recherché).


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