L'homme
est le produit d'une évolution. Son héritage animal est
incontournable. Reflété dans ses conduites les plus élaborées.
Le but du mâle est de se perpétuer en répandant son
abondante semence dans le maximum de femelles susceptibles de devenir gravides.
Il est en compétition avec les autres mâles. L'agressivité,
au règne de l'anarchie animale, est un avantage.
Pour la femelle, la tâche est plus lourde. Elle fabrique l'essentiel
du rejeton bien plus lentement que le mâle multiplie ses spermatozoïdes,
et assure ses besoins jusqu'à un début d'autonomie. Tâche
coûteuse, qui ne lui permet pas d'espérer laisser plus d'une
dizaine de petits derrière elle, s'ils sont de bonne constitution.
Elle est donc plus attentive au choix de son partenaire. A vrai dire, la
compétition des mâles décide souvent à sa place.
Le plus performant l'emporte. Elle le garde pour les accouplements suivants
sauf si un autre, aux attributs nettement plus attrayants, se présente,
et élimine le premier sans vraie négociation...
Chez l'humain moderne, cet héritage peut être localisé:
-géographiquement comme le cerveau limbique
-fonctionnellement comme l'instinct
-psychanalytiquement comme le Ca ou les pulsions
-j'aime bien personnellement parler de la "chaudière" du
cerveau humain, avec l'image d'un psy aux mécanismes de contrôle
surdeveloppés, se chauffant aux pulsions débridées
de ses patients comme un papillon hypnotisé par la lumière.
La chaudière est recouverte d'un épais filtre, tissé lentement
dans l'enfance. Réseau de consignes, d'interdits, de routines,
de frustrations, de désirs parentaux informulés.
Ce filtre canalise l'énergie de la chaudière. Parfois
très épais à certains endroits, il se bouche.
Comme il faut bien que l'énergie se libère quelque part,
elle crée des enchevêtrements névrotiques ailleurs.
Ceux qui arrivent à juguler parfaitement tous les emballements
de la chaudière... ont peu de conflits, et vivent peu de moments
forts également.
Les experts du développement psychologique hésitent à définir
le masculin et le féminin. Dans la recherche de l'égalité des
sexes, l'héritage animal est enterré.
Il est pourtant sous nos yeux tous les jours,
dans le ballet des adolescents, dont le filtre est encore perméable aux poussées hormonales.
Les garçons papillonnent de fille en fille, espérant
les avoir toutes. Les filles rêvent d'être emportées
par le meilleur. Critères remodelés par la société moderne.
Source inépuisable de frustration, dont le cerveau démocratique
moderne s'accommode mal. Les rapports humains se sont fortement compliqués.
Irrésolu est le dilemme de la plus belle femme qui ne peut pas être
engrossée par tous mais seulement par un bellâtre à fort
relent d'infâme capitaliste. Tout aussi détestable est
le même bellâtre s'il décide d'engrosser les autres
femmes, même si cela répond parfaitement à leurs
espérances.
Les cultures traitent différemment cet héritage.
Certaines tolèrent encore la polygamie. Le seul critère
de mâle dominant est la richesse.
La majorité ont édicté la monogamie en règle.
Paix sociale améliorée. Mais les pulsions sont en cage.
Génératrices de névroses et de conflits conjugaux.
Elles poussent les maris au Ca surdéveloppé à la
recherche d'autres partenaires, et les épouses à conjoint
routinier vers un reproducteur plus éblouissant.
Vous pensez le filtre civilisateur efficace? Il
ne manque pas d'exemples d'homme marié à une superbe épouse et qui papillonne
ailleurs, ou de femme n'ayant strictement rien à reprocher à son
mari et qui vit pourtant dans l'insatisfaction.
Beaucoup de comportements s'emboîtent facilement en ayant notre
héritage en mémoire:
-Le tempérament masculin, décrit par les psy comme "centrifuge",
tourné vers ses partenaires. Le tempérament féminin,
lui, est "centripète", tourné vers la protection
de sa progéniture et la sienne.
-Le garçon attache une importance plus grande aux attributs
physiques, en particulier ceux en rapports avec la gravidité,
tandis que la fille a ses propres critères pour évaluer
le meilleur père de son enfant, pas forcément physiques:
position sociale, richesse, tendresse/protection, humour/réactivité.
Compliquons les choses: Parlons de tempérament masculin et
féminin. Pas forcément hébergé par le sexe
idoine. Des enfants se trompent à la naissance de mère,
petits cygnes qui ouvrent les yeux sur une canne et la prennent pour
leur génitrice. Situation favorisée par l'allaitement
plus rare, la mère au travail, le père qui remplace la
mère, le parent unique.
Le dilemme de notre héritage animal a 2
grandes solutions:
L'une est le fantasme.
L'autre est de tendre vers l'idéal de votre partenaire.
Là encore hommes et femmes sont inégaux:
L'homme peut gagner son statut de protecteur d'élite en multipliant
les efforts pour s'améliorer, en bannissant les routines et
les regards blasés, en s'habillant mieux, en grimpant l'échelle
sociale et en devenant plus célèbre.
La femme, elle, peut difficilement se multiplier.
Je ne vous imagine pas, mesdames, recrutant des copines assez attirantes
pour assurer de la diversité génétique à votre époux
sans mettre votre couple en danger.
Bien sûr, votre amélioration personnelle a aussi de l'importance.
Mais rappelez-vous que nous ne parlons pas de machisme mais de comportement
animal: Vos attributs gravidiques tentateurs ne pourront masquer complètement
ceux des autres femmes qui vous entourent, même si vous laissez
un important budget chez le plasticien, ou achetez des lunettes en
peau de saucisson à votre bien-aimé.
C'est pourquoi il nous faut, tant hommes que femmes, laisser le champ
libre au fantasme.
Le fantasme a mauvaise réputation parce qu'étroitement
associé à sa réalisation.
A tort.
Le fantasme est une idée, pas un acte. Vouloir éviter
des actes jusqu'à abolir des idées a des relents de normalisation
assez effrayants.
En l'occurrence pour notre sujet, fustiger le fantasme équivaut à réclamer
une castration intellectuelle. Réfléchissons bien. Côtoyer
une chaudière éteinte est bien triste. Le risque est
d'enterrer sa vie sexuelle avec celle de l'autre.
Le fantasme est également mal vu... quand les supports en sont
trop visibles. Ceux qui cherchent à enterrer leur animalité n'aiment
pas se la voir rappelée par des rangées de magazines étalant
la chair, par des sites internet et des films porno. Le fantasme passe
mieux notre filtre quand il se cache dans le 7ème art, ou dans
un livre aux caractères parfaitement identiques à ceux
des autres.
Il est facile pour celui doté d'une belle imagination de bâtir
tout un univers érotique à partir de quelques lignes
d'un livre ou d'un bref regard sur une personne croisée. Caché dans
un fourmillement de dépolarisations neuronales, ce monde est
bien à l'abri d'une accusation de luxure.
D'autres sont moins autonomes pour fabriquer leur fantasmes. Il leur
faut des stimulations sensorielles plus détaillées, surtout
voir, car les autres sens sont moins favorisés par les médias.
Au bout du compte, quelle est la différence?
Les règles sociales et leurs gendarmes doivent se concentrer à la
frontière entre idée et acte. Que soient respectés
les souhaits dans les idées, et les refus dans les actes. Que
soit respectée la liberté de chacun... ou du moins ce
que l'inconscient nous en laisse.
Les adversaires du fantasme exposé regroupent les pseudo-désanimalisés
et les cachottiers.
Les pseudo-désanimalisés sont les plus militants. Leur
filtre civilisateur est généralement plutôt mince
mais bien bouché. Ils pensent s'être débarrassés
de leur animalité. La sexualité est éteinte certes,
et souvent intestin et vessie prennent d'autant plus d'importance!
Les cachottiers n'avouent rien de fantasmes qui les inquiètent.
Par ricochet, le fantasme affiché leur paraît nauséabond.
Mais ils le dénigrent par entraînement plutôt que
militantisme, ayant conscience de l'hypocrisie de la démarche.
Parmi les cachottiers, plus malins, certains avancent
l'argument de l'exploitation des femmes et des enfants dans l'industrie
du fantasme. Certes. Mais ils sont au bord d'un gouffre sans fond,
espérant
le combler en lançant une grosse pierre. L'exploitation est
partout, bien enracinée, et plus profondément dans d'autres
cultures que la nôtre. La violence morale générée
par cette industrie est infime par rapport à celle, nichée
au sein de la vie des familles, issue de l'insatisfaction des pulsions.
Où est l'exacte frontière avec l'exploitation des physiques à des
fins publicitaires et cinématographiques? Pouvez-vous croire
qu'il existe femmes (ou hommes) plus heureux de monnayer leurs charmes
que d'avoir un obscur petit travail bureautique, où le compagnon
de tous les jours est une machine sans âme, qui ne rosit que
lorsqu'il s'ouvre sur le web, immense réservoir d'Autres?
2 moyens de lutter contre l'animalité:
Epaissir son filtre... et la lobotomie.
Une 3ème voie: s'accepter dans son intégralité.
Ne pas chercher à éteindre la chaudière, mais
canaliser son énergie dans la voie que l'on choisit. Les frustrations
sexuelles peuvent produire un élan farouche pour réussir
dans d'autres domaines. Nombre de célébrités artistiques
et scientifiques en témoignent.
A ce compte, considérez le fantasme comme soupape de sûreté et
non comme finalité. Le fantasme peut être drogue, comme
un jeu vidéo.
Il peut aussi disparaître, en identifiant les malchances qui
nous sont inculquées... et les chances que nous avons réellement
rencontrées.
Séquelles:
Ne voit-on pas dans l'héritage animal la raison du goût
pour le mystère?
Que tout soit compris et connu... ramène trop à ce que
l'on veut dissimuler de soi.
C'est pourquoi voyantes et patamédecins ont autant de succès,
que les théories farfelues restent incompréhensiblement
populaires, même quand la véritable explication est démontrée.
Un exemple: Les futures mères ont longtemps utilisé toutes
sortes de techniques ésotériques pour deviner le sexe
de leur enfant. A l'heure où l'échographie donne la réponse
exacte, les mêmes demandent au gynéco de ne rien leur
dire...
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