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Quand un exercice de rééducation est douloureux, faut-il insister ou non? Mise à jour 8/06

La plupart des thérapeutes vous diront que non, quelques-uns vous soutiendront imperturbablement, malgré vos grimaces, qu'il faut forcer!
Réponse de normand: chaque situation est différente. Le thérapeute doit vous conseiller en fonction de ce qu'il a compris de votre problème. C'est son rôle de "prof particulier". Mais le "récepteur" de la douleur, c'est vous. Voici quelques questions à vous poser:

-Depuis combien de temps avez-vous mal?
1) Moins d'un mois pour la colonne vertébrale, ou moins de 2 semaines pour les autres muscles ou articulations:
La lésion est récente. Votre douleur est une bonne sonnette d'alarme. Il faut la respecter. Vous n'avez pas encore eu le temps de perturber gravement vos automatismes. Ne forcez pas contre la douleur. Mais vous pouvez "flirter" avec, essayer de la contourner en modifiant légèrement le mouvement, vous arrêter juste avant le déclenchement de la douleur, et recommencer plus tard, le même jour ou dès le lendemain.
2) Plus d'un mois pour la colonne ou 2 semaines ailleurs:
Vous avez sans doute un peu mal partout. Et en permanence. Vous n'arrivez pas à vous débarrasser de votre douleur. Si l'on vous a envoyé faire de la rééducation, c'est que les examens n'ont pas montré de lésion inquiétante (mais vous pouvez bien sûr reconsulter en cours de rééducation si ça se passe très mal). Il est probable que votre seuil douloureux est altéré. Quézaco? On ne s'habitue pas à la douleur. Au contraire, quand une douleur de nerf irrité traîne, elle augmente en intensité et s'étend aux régions voisines, alors même que la cause de l'irritation n'empire pas. La douleur devient mauvaise conseillère et vous ne pouvez plus vous "fier" à elle. Il est préférable de l'ignorer et de faire quand même les exercices. Prenez un calmant une heure avant pour les rendre supportables. Même quand ce calmant semble peu efficace sur vos douleurs continuelles, il retrouve une action sur celles, "normales", liées à l'effort.

-Y a-t-il eu traumatisme ou non?
1) Vous avez subi un choc important, direct ou indirect (par exemple tête violemment projetée de côté sans qu'elle ait cogné):
La douleur a démarré immédiatement. Une lésion est certaine. Des examens sont nécessaires pour déterminer sa gravité, en premier lieu des radios. Une immobilisation stricte (lésion osseuse ou entorse sévère) est nécessaire. Voir <manager immédiatement un traumatisme articulaire>. Le repos simple suffit pour une lésion musculaire. L'amélioration se fait spontanément dans un délai fixe: 4 semaines pour une fracture, 10 jours pour une lésion ligamentaire ou musculaire. Aucun exercice très actif n'est conseillé dans ce délai. Au-delà, les douleurs sont d'origine cicatricielle ou fonctionnelle et ne contre-indiquent pas le début d'exercices, prudents et progressifs. Attention aux fractures ratées sur les premières radios. A contrôler si les choses se passent mal.
2) Il n'y a pas eu de réel traumatisme:
Au pire une activité inhabituelle a pu déclencher vos ennuis, mais sans que vous vous soyez fait mal sur le moment:
Vous avez décompensé un problème préexistant (arthrose débutante, disque en mauvais état, tendon fragilisé), vous avez surmené une articulation ou un tendon pas habitué à ce régime, ou vous avez un dysfonctionnement articulaire (geste répétitif ayant entraîné un décentrage articulaire, une contracture réflexe, l'irritation du mou par le dur).
L'auto réparation n'est pas aussi efficace: il n'y a pas eu saignement ou inflammation brutale. Les processus cicatrisants de l'organisme ne sont guère réveillés. L'entretien du problème se fera par vos activités courantes. Le repos sera peu spectaculaire; il faudrait le prolonger plusieurs semaines; mais il déclenche ses propres ennuis: perte des automatismes, de la force musculaire; la douleur chronique vous guette.
Un diagnostic suffisamment précis est indispensable, ce qui est beaucoup plus difficile dans cette situation. Les erreurs peuvent sembler moins graves que pour une fracture. Pas sûr. Une fracture ne reste pas ignorée bien longtemps. Tandis qu'un dysfonctionnement articulaire peut "s'enterrer" pendant des mois et avoir des complications ultérieures bien plus durables et répétitives. Souvent le médecin est mal formé ou manque de temps pour affiner ces diagnostics. C'est le kiné ou l'ostéopathe qui se débrouille avec la "tendinite" ou la "cervicalgie", indications frustres. C'est bien quand ils sortent de leur rôle de masseur ou de dérouilleur pour préciser votre pathologie. C'est moins bien s'ils introduisent systématiquement le doute, car confiance et persévérance sont 2 points essentiels de la réussite d'un traitement physique.
Selon le diagnostic le traitement peut être: repos sélectif (tendinite d'insertion, arthrose, lésion méniscale), manipulation (décentrage articulaire, contracture), infiltration (tuméfaction d'un tendon ou d'un ligament gênant son fonctionnement). Les exercices sont souvent nécessaires pour modifier anatomiquement les conditions de fonctionnement locales. Ils ne cherchent pas à déclencher la douleur, mais ne doivent pas se laisser arrêter par elle. Il peut même arriver qu'en déclenchant une inflammation plus vive au départ, vous finissiez par rompre un cercle vicieux. L'inflammation, rappelons-le, est le processus réparateur. Parfois, elle n'est pas assez efficace. Un bon diagnostic est la clef. En cas de doute pendant vos exercices, n'hésitez pas à faire réviser ce diagnostic par votre médecin.

-Les exercices sont-ils adaptés à votre gabarit?
Le kiné ou le prof de gym peut évaluer taille et poids, mais ne mesure pas précisément votre masse musculaire ni votre entraînement. A vous d'indiquer objectivement la situation si vous n'êtes pas ce que vous paraissez. On n'est plus un sportif quand on a pas fait de sport depuis quelques années.

-Avez-vous fait une préparation avant un exercice de musculation?
La séquence: 1) Echauffement par petits mouvements rapides et courts, dans les secteurs indolores. Le trottinement est idéal, même si vous rééduquez les épaules. 2) Etirez lentement tous les axes des articulations à rééduquer tant qu'ils ne sont pas douloureux. Que ça soit pénible, c'est normal. C'est votre douleur vive que vous devez esquivez. Changez au besoin l'axe de l'étirement en tournant le pied ou la main, en modifiant l'inclinaison de la colonne à droite ou à gauche, vers l'avant ou l'arrière, en rotation droite ou rotation gauche. Insistez sur l'étirement une trentaine de secondes, tout en relâchant vos muscles: vous devez sentir le mouvement avancer. 3) La musculation proprement dite, sera isométrique au début: vous contractez sans bouger, dans une posture indolore. Si tout se passe bien ainsi, commencez à bouger au cours des séances suivantes, sur une distance très réduite au début, puis amplifiez progressivement. 4) Etirez à nouveau en fin d'exercice. Vous obtenez une sensation de détente et d'articulation plus libre. Si vous vous faites craquer c'est que... soit vous devriez détacher votre regard du miroir ;-)) soit vous avez atteint une détente qui sépare bien les surfaces articulaires. Vous n'avez pas besoin de rechercher ce bruit, très variable selon les individus.
La physiothérapie et le massage du kiné remplace les étapes 1 et 4, pas le reste! Changez d'endroit si on vous donne le prochain rendez-vous dès les électrodes enlevées.

-Etes-vous en bonne position pendant l'exercice?
Vous forcez sur une zone déterminée de l'articulation et selon un axe précis, qui doivent être les plus favorables. Il n'y a pas de posture universelle pour un exercice particulier, chacun ayant sa lésion. Vous ne devez pas endurer une position qui vous semble défavorable mais au contraire chercher la bonne ou guider le kiné qui vous assiste. Attention de ne pas en faire un prétexte pour éviter tout exercice un peu pénible.

-Les séances ne sont-elles pas trop espacées? Ou au contraire, n'en faites-vous pas trop?
La meilleure rééducation est quotidienne. Croyez-vous équilibrer des journées entières de station assise avec une heure de kiné par semaine? Vous devez avoir des exercices pour le domicile. L'idéal serait d'avoir une vidéo d'une demi-heure à faire tous les jours, adaptée à votre cas. Ca n'existe pas encore. Rétention d'information? Comme tout professionnel, le kiné n'est pas là pour vous apprendre son boulot. Il faut bien vivre. On en discutera ailleurs. Mais le rôle du moniteur reste indispensable: faites-vous correctement l'exercice? Allez-vous vous y coller vraiment tout seul, sachant que c'est plutôt long et pénible?
Ce peut être difficile de trouver un créneau tous les jours. 20 à 30 mn est un minimum. Pas la peine de faire un résumé en 5 mn: vous n'aurez pas le temps de vous détendre correctement. En insistant souvent vous risquez d'aggraver au lieu d'améliorer. La meilleure période est le matin ou le midi, ou après une sieste. Endormi tôt le matin ou fatigué le soir, c'est pas terrible.

-N'êtes-vous pas toujours dans la situation qui a créé votre problème?
Le poste de travail... Beaucoup trop de gens pensent que le travail est nocif. En réalité il est plus souvent barbant, ou trop envahissant. Mais il y a réellement des postes à risque: ceux imposant des mouvements répétitifs. Même si vous connaissez une machine par coeur et que votre employeur profite de votre productivité, il serait souhaitable que vous alterniez régulièrement avec d'autres postes, ou que vous alliez faire un ping pong à la pause! Baisse des maladies professionnelles garantie. Le travail de bureau est également mortel... pour la colonne vertébrale. Défendez-vous contre ce tassement quotidien par des étirements et des changements de posture. Offrez-vous un portable sans fil et travaillez allongée sur le bureau! Ou dessous, au milieu des oreillers...

-Etes-vous en surpoids?
Presque toutes les douleurs chroniques sont d'origine articulaire. Les articulations, ce sont les charnières. Si les portes qui fonctionnent tous les jours dessus (vos bras, vos jambes, votre tête) sont très lourdes, les charnières ne dureront pas longtemps. Il n'est pas conseillé de maigrir du cerveau. Visez la partie grasse.

-Avez-vous vraiment envie d'en sortir?
Aïe, la question où on ne se fait pas que des copains! Elle est pourtant nécessaire. Certaines personnes préfèrent vivre avec une douleur, énervante certes, mais bien moins qu'un travail quotidien devenu insupportable parce que trop d'efforts physiques, un collègue ou un supérieur odieux, etc... Il y a aussi les aberrations telles que le syndrome du revenu paradoxal: la personne malade en arrêt de travail gagne plus d'argent que si elle recommence à travailler! (par exemple le salaire est maintenu et une assurance paye le remboursement d'emprunt en cas d'arrêt). Comment abandonner sa douleur dans ces conditions? Mais les gens se prennent toujours à leur propre piège, et à force de s'auto-persuader qu'ils sont handicapés... le deviennent réellement.

-N'avez-vous pas une douleur d'autre origine?
Que cette question ne vous serve pas de prétexte pour esquiver une rééducation pénible. Jouez le jeu. Ne cherchez pas à faire le boulot du médecin ou du kiné à sa place. Même si vous percevez mieux vos symptômes, vous n'avez pas son expérience de moult situations semblables à la vôtre.
Mais les oeillères ne sont pas exceptionnelles chez les professionnels de santé, et le manque de temps très répandu. Si vous avez docilement suivi le programme établi pendant un délai significatif, et que rien ne s'arrange, il faut remettre en question le diagnostic ou la méthode. Revoyez votre médecin. Il doit reconsidérer son opinion, pour la conforter par un nouvel examen physique ou des examens complémentaires, ou la réviser et modifier le traitement, ou s'il n'est pas sûr, vous envoyer à un confrère plus spécialisé. N'allez pas voir directement quelqu'un d'autre. Vous perdez votre confiance dans votre médecin habituel, lui aussi se méfiera davantage de vous. Bien sûr, s'il a des oeillères grosses comme des oreilles d'éléphant... il est peut-être temps de chercher un autre médecin traitant.


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