Kinésithérapie en perspective: Une discussion sur les problèmes de la
kiné d'aujourd'hui



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Nous présentons ici les techniques de rééducation
courantes, avec leurs avantages et leurs carences. Il faut parfois tâtonner
avant de trouver celle qui vous convient. La règle générale
est de respecter la non-douleur. Attention! Cela ne veut pas dire que
l'exercice ne doit pas être douloureux du tout. Vous ne feriez aucun
progrès. La douleur doit rester tolérable, ne pas être
celle que vous ressentez d'habitude, et surtout diminuer au fur et à
mesure que vous insistez sur le même exercice. Vous pouvez passer
le cap difficile du début avec des antalgiques pris une heure avant
la séance. Une rééducation trop "sympathique"
n'a guère de chances de modifier votre anatomie. Les principales
causes d'échec d'une rééducation sont:
-les douleurs initiales qui vous font abandonner très vite, soit
parce que ce n'est pas le bon moment pour la rééducation
(phase aiguë) soit parce que vous ne supportez plus vos douleurs
(discutez-en avec votre médecin),
-un espacement trop important des exercices qui n'arrive pas à
changer vos habitudes,
-une motivation ou des directives insuffisantes chez le kinésithérapeute
qui se contente de faire des massages et de la physiothérapie,
plus rentable en confort pour vous et en (moindre) temps passé
avec vous,
-seulement en quatrième vient une technique de rééducation
inappropriée.
Réfléchissez donc sérieusement aux 3 premiers points
avant de lire ce qui suit sur les techniques proprement dites.
Notions de base sur la contraction musculaire:
On distingue le travail en contraction:
1) isométrique: le muscle garde la même longueur, vous forcez
sans bouger. Avantage: économise l'articulation. Inconvénients:
on se fatigue plus vite, le muscle ne travaille pas dans ses conditions
habituelles. C'est une bonne méthode pour ceux dont les muscles
sont très atrophiés et les articulations fragiles.
2) isotonique: le muscle travaille à tension constante, vous forcez
sur vos mouvements habituels en ralentissant quand c'est plus dur.
3) isocinétique: le muscle travaille à vélocité
constante, vélocité imposée par une machine onéreuse
que l'on ne rencontre qu'en centre de rééducation sportif
très spécialisé.
Rééducation
proprioceptive:
C'est aussi plutôt une notion de base qu'une méthode de rééducation.
C'est votre perception des mouvements et des postures de votre corps,
de vos articulations. C'est en quelque sorte être à l'écoute
de ce que vous susurre votre organisme. Les personnes ayant perdu leur
proprioceptivité se sentent comme coincées dans un corps
qui grince et qui rouille. Celles dotées spontanément d'une
bonne proprioceptivité s'étirent et se font craquer toutes
seules le dos quand elles sentent qu'une raideur ou une douleur est en
train de s'installer, elles se massent les points douloureux, évitent
un mouvement qui fait mal, tournent autour pour essayer un meilleur passage.
La diminution de la proprioceptivité est souvent due à la
réduction des activités physiques, et peut être facilement
améliorée par une reprise de celles-ci.
Renforcement des abaisseurs de l'épaule:
Méthode classique de traitement de la tendinite
à l'épaule, elle essaye de réduire le conflit entre
le tendon sus-épineux et l'acromion, portion de l'omoplate qui le
coiffe. Elle renforce les muscles qui tirent le bras vers le bas, pectoraux
en avant et grand dorsal en arrière de l'épaule.
Cette technique a vu son intérêt réduit depuis que le
mécanisme de la tendinite est mieux connu: le tendon reçoit
en effet à cet endroit une mauvaise circulation sanguine et se détériore
progressivement avec l'âge. Il peut y avoir tendinite sans conflit
avec l'acromion. Le renforcement musculaire doit faire partie d'une rééducation
beaucoup plus globale comprenant: analyse des passages douloureux à
proscrire dans vos gestes quotidiens habituels, préparation de l'épaule
à sa journée de travail par des étirements quotidiens,
proscrire également les positions de bras compressant l'épaule:
ne pas s'accouder, ne pas s'appuyer sur le bras au lit, ne pas travailler
longtemps bras en l'air.
Renforcement des
abdominaux (ou du caisson abdominal):
Gymnastique très simple praticable sans aucun matériel.
Parfois suffisante pour faire entièrement disparaître une
lombalgie, particulièrement chez ceux ou celles qui ont "pris
du bide" avec les années ou après des grossesses.
Inconvénient: peut déclencher ou aggraver des pertes d'urines
ou des envies fréquentes d'aller pisser particulièrement
chez les femmes, par augmentation de la pression intra-abdominale. Ce
n'est pas vraiment une contre-indication à ces exercices, il faut
associer une rééducation du périnée (sphincters
et muscles du périnée).
Rééducation
en cyphose:
Technique la plus courante pour la lombalgie, c'est une rééducation
à dos rond qui réussit généralement aux personnes
cambrées ou supportant mal la position hypercambrée. Mais
elle ne convient pas pour autant à tout le monde.
Rééducation
en lordose:
Inverse de la précédente, exercices qui cambrent le dos.
Il faut se garder en fait de trop segmenter les exercices pour le mal
au dos. La tendance actuelle est le reconditionnement à l'effort.
C'est-à-dire qu'un dos doit être capable de tout faire. Eviter
systématiquement tout ce qui réveille la douleur n'est pas
un bon moyen de retrouver un fonctionnement normal. Si les exercices sont
sélectifs au début pour ne pas trop vous "casser",
il faut progressivement les varier.
Gymnastique
quadrupédique:
Exercices à quatres pattes pour le dos qui seront très bien,
associés aux précédents. Isolément en effet,
ils ne rééduquent pas la colonne avec le poids du corps.
Rééducation
sur ballon:
Genre gros ballon sauteur, sans les poignées: la présence
permanente du kiné est impérative pour éviter de
vous ramasser. Très bonne technique pour la colonne vertébrale,
ludique, particulièrement adaptée aux enfants et ados.
Ergonomie, école
du dos:
C'est la meilleure façon de faire vos gestes habituels. Cela économise
vos articulations et peut éviter l'entretien d'un problème,
mais c'est rarement une solution suffisante en soi. Si vous avez mal au
dos, l'économiser n'améliorera sans doute que temporairement
vos douleurs. Il faut le protéger par une musculation d'emblée
énergique.
Réentraînement
ou reconditionnement à l'effort:
Méthode démontrant les meilleurs résultats à
long terme sur les douleurs chroniques du dos: pour renforcer sa protection,
il faut un effort qui incite véritablement vos muscles à
s'étoffer.
Inconvénient: Les bagnes n'étant plus à la mode,
il faut un effort de volonté régulier pour y arriver, sans
tomber non plus dans l'obsession. Parfois, le soutien d'une psychothérapie
peut être utile, certaines personnes étant fâchées
avec les activités physiques pour des raisons qui sont, même
à leurs propres yeux, peu claires. Autre inconvénient: l'effort
peut réveiller des douleurs et il est facile de se décourager.
Voir pépins du sport.
Rééducation
de la marche, béquillage:
Pour les personnes âgées, les handicapés provisoires.
Trop de compromis avec des douleurs chroniques détériore
beaucoup la marche. Une rééducation ne sera utile qu'avec
la pleine approbation du candidat (gens âgés). La marche
avec une ou deux cannes anglaises s'apprend. Avec 2 cannes, avancez le
membre à soulager en même temps que les cannes et n'y faites
qu'un appui léger après avoir déjà porté
le poids sur les cannes. Avec une canne: Si c'est votre genou ou cheville
qui souffre, portez la canne de ce côté et avancez la jambe
en même temps que la canne pour faire un appui simultané.
Si c'est la hanche faîtes un essai avec la canne d'un côté
puis de l'autre. Le résultat sur votre douleur est le meilleur
guide.
Rééducation
analytique:
Pratiquée couramment après une paralysie ou un traumatisme:
le kiné vous fait travailler spécialement le muscle paralysé
ou le mouvement articulaire enraidi.
Inconvénient: trop ciblée, elle ne rééduque
pas vos gestes habituels. Vous devez reprendre en parallèle des
activités physiques normales et globales comme par exemple la pratique
d'un sport tranquille.
Mécanothérapie:
Technique à rapprocher de la précédente: le kiné
utilise poids et poulies, parfois des machines motorisées, pour
rééduquer un mouvement particulier dans un secteur précis
(non douloureux).
Inconvénient: La prescription doit être sûre, le réglage
de l'appareil bien fait. Vous risquez fréquemment d'être
abandonné par le kinésithérapeute.
Mobilisation active:
Vous faîtes le mouvement contre résistance, soit par l'intermédiaire
de la mécanothérapie précédente, soit plus
souvent contre résistance manuelle du kiné. Méthode
rééduquant le mouvement d'une façon plus naturelle
que la rééducation analytique et vous entraînant plus
vite sur le chemin de l'indépendance.
Mobilisation passive:
C'est le kiné qui fait travailler vos articulations, dans 2 situations
principales:
-Vous avez fait une paralysie. La mobilisation évite l'ankylose
en attendant la récupération.
-Votre articulation est très enraidie, après une immobilisation
prolongée (plâtre), ou lors d'une capsulite
ou d'une algodystrophie. La mobilisation
hâte la récupération de vos amplitudes normales.
Auto-élongations,
auto-étirements, stretching:
Pratiqué chez le kiné avec des appareils de traction, mais
facile à faire soi-même, comme la simple suspension à
une barre ou un espalier. Vous pouvez trouvez des cassettes de stretching
dans la plupart des magasins de sport.
Seul inconvénient: pour se suspendre, il faut de bons bras.
Relaxation:
La relaxation pure n'est pas une méthode de rééducation
mais un complément, comme les massages ou la physiothérapie.
Souvent les cours de yoga et de stretching combinent en fait la relaxation
et les étirements actifs. Ceux qui bénéficieront
le plus de la relaxation sont ceux qui ont le plus de mal à s'y
mettre: les personnes dites "nerveuses", tendues et parfois
douloureuses de partout (voir SPID).
Si c'est votre tempérament et que vous n'arrivez à rien
en relaxation ou que cela vous barbe, un autre moyen de relâcher
vos muscles est de les épuiser! Pratiquez un sport qui vous vide
bien, votre corps va s'adapter rapidement à ce nouveau style.
Méthode de
Mézières:
Basée sur la constatation d'une rétraction des muscles de
l'arrière du dos et d'une insuffisance des muscles de l'avant.
C'est facile à vérifier: allongé par terre, vous
ne pouvez pas plaquer toute la longueur de votre colonne contre le sol:
si vous plaquez le creux des reins, le cou se cambre et vice-versa. Les
exercices consistent à faire des étirements insistants des
muscles de l'arrière. La séance dure une heure une fois
par semaine. Il n'y a pas d'exercice à faire soi-même entre
les séances.
Avantage: La prise en charge est très détaillée et
personnelle, les résultats sont très bons sur beaucoup de
douleurs de dos de l'adulte et de l'enfant.
Inconvénients: Cette prise en charge complète vous rend
assez passif et dépendant du thérapeute. Sans exercices
d'entretien, les rechutes sont fréquentes. La méthode ne
fait pas l'objet d'une cotation spéciale par la sécurité
sociale. Vu la longueur des séances, le mézièriste
vous demandera un dépassement d'honoraires ou parfois utilise les
séances prescrites 2 par 2 (mais en s'exposant à des sanctions
de la part de la sécu qui n'admet pas ce procédé).
Enfin le succès de la méthode et le faible nombre des mézièristes
fait qu'il est en fait difficile d'en trouver un disponible.
Méthode de Sohier,
"dégrippage" articulaire:
Méthode globale s'efforçant d'analyser finement les causes
de dysfonctionnement d'une articulation: blocages ou plutôt grippages
articulaires, troubles d'engagement du mouvement, tensions musculaires
anormales. C'est une méthode manuelle complète dont les
résultats sont cependant difficiles à apprécier d'un
point de vue scientifique, comme les manipulations,
car ils sont très dépendants de l'opérateur. Les
meilleurs résultats s'obtiennent sur les douleurs de l'épaule.
Réadaptation
fonctionnelle:
La réadaptation, c'est la fin de la rééducation:
quand celle-ci ne fait plus aucun progrès, vous devrez malheureusement
apprendre à vivre avec les handicaps qui n'auront pas disparu.
La réadaptation vous y aidera au mieux. De 2 façons: les
compensations que vous exercerez vous-même: réapprentissage
des mouvements de la vie courante. Et l'adaptation des objets de la vie
quotidienne et/ou du poste de travail: couverts à gros manches
pour les mains déformées, sièges spéciaux
pour handicaps de la colonne, etc...
Massages:
Il existe de nombreuses méthodes, massage réflexe, transverse
profond, ponctuel, périosté, ostéopathique. Elles
mélangent pression, pétrissage, friction, roulement de plis.
C'est un excellent moyen d'examen pour le thérapeute et de préparation
à la rééducation proprement dite, mais ce n'est pas
un traitement suffisant en lui-même dans la plupart des indications
rhumatologiques. Il existe des situations où le massage est mal
toléré: les névralgies et douleurs
projetées. Vous pensez que ce sont vos muscles qui vous font
souffrir (mais vous n'avez pourtant pas fourni d'effort physique exceptionnel)
alors que ce sont les terminaisons nerveuses des tissus. La source de
la douleur étant un dysfonctionnement vertébral, le massage
seul des zones douloureuses est inadapté.
Détails sur le massage 
La physiothérapie
fait l'objet d'un chapitre à part. Comme les massages, c'est un
traitement préparant la rééducation proprement dite,
mais dans certaines maladies elle peut représenter un traitement
intéressant en elle-même. Nous manquons malheureusement d'études
scientifiques pour juger de la validité des différentes
méthodes employées, et il faut bien avouer que ce sont surtout
des pressions commerciales qui remplissent les cabinets des kinés
de gadgets aux effets d'authenticité douteuse.
Citons enfin les orthèses,
traitement complémentaire de la rééducation: ces
appareillages souples ou rigides moulés sur mesure permettent de
corriger, de limiter des mouvements défectueux, ou de mettre les
articulations au repos entre les séances de rééducation.
Répondez vous-même en quelques
questions
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