Tendinite,
périarthrite
La tendinite de l'épaule est la plus fréquente des tendinites.
Vous avez pu entendre le terme de "périarthrite"
pour la décrire. Oubliez ce vocable médical qui ne sert
pas à grand-chose, même pour les médecins: cela veut
dire textuellement "problème autour de l'articulation",
c'est donc très vague, ce n'est pas un diagnostic, cela signifie
que l'on est hésitant sur la cause du problème. Périarthrite
est en plus facilement confondue avec "polyarthrite", qui est
son contraire: une pathologie de l'articulation elle-même, et qui
a un caractère héréditaire et de gravité sans
aucun rapport avec la tendinite.
Mécanisme
La fréquence de la tendinite de l'épaule vient de la situation
conflictuelle des tendons qui coiffent la tête de l'humérus
schéma:
leur face supérieure est exposée au frottement sous la voûte
osseuse de l'acromion, apophyse (appendice osseux) de l'omoplate.
L'épaule est une articulation particulière par les contraintes
relativement modestes qui s'y exercent. Les os sont beaucoup plus minces
et moins encastrés les uns dans les autres qu'au bassin. Cela permet
des amplitudes de mouvement nettement plus importantes. Les ennuis viennent
ainsi de la répétition des frottements et non pas des efforts
dus aux poids.
Evolution
L'évolution chronique de la tendinite de l'épaule est causée
d'une part par la répétition des gestes (généralement
l'élévation du bras) provoquant le frottement du tendon,
d'autre part par la mauvaise irrigation sanguine du tendon à cet
endroit, qui rend sa réparation moins efficace. Certains pensent
même que cette tendinite est en fait une dégénérescence
"normale" du tendon avec l'âge.
Ce phénomène explique la médiocre efficacité
des anti-inflammatoires pris par voie générale: la concentration
locale des produits arrivant par voie sanguine n'est pas bonne.
La tendinite chronique à l'épaule n'est pas toujours très
douloureuse. Ce peut être une vague gêne dans certaines positions,
émaillée de douleurs plus franches après des efforts
répétitifs mais encore très supportables et n'obligeant
pas forcément à consulter un médecin.
C'est ainsi que de nombreuses personnes de la cinquantaine et au-delà
ont des tendons déjà très fragilisés, sans
s'être beaucoup plaintes jusque-là. Il n'est pas exceptionnel
que la tendinite se révèle alors par une rupture brutale,
en apparence spontanée, en fait déclenchée par un
effort anodin sur un tendon très aminci.
L'évolution
des tendinites négligées
se fait en effet vers la fragilisation et la rupture. Le discours que
nous vous tenons ici est donc à l'opposé de celui sur le
mal de dos: n'ignorez pas des douleurs
à l'épaule, même si elles restent supportables. Toute
douleur chronique à l'épaule implique un conflit, avec peut-être
progression de lésions irréversibles de vos tendons. Vous
devez prendre l'avis d'un médecin, qui précisera du mieux
possible le type de conflit, et vous proposera un véritable programme
thérapeutique.
Précisons tout de suite que "douleur prolongée"
n'égale pas forcément "tendon bousillé".
Une cause classique d'évolution traînante est la présence
d'une calcification à la surface du tendon: cette formation friable,
déposée en excès par l'organisme sur la plaie tendineuse
pour essayer de la "consolider", occupe un certain volume et
aggrave en fait le conflit entre le tendon et la voûte osseuse de
l'acromion. La calcification se désagrège parfois brutalement,
c'est l'épaule aiguë calcique,
parfois progressivement, entretenant une inflammation chronique à
la surface du tendon sans que celui-ci soit vraiment détérioré:
la douleur va durer alors plusieurs mois puis disparaître sans raison
apparente. Si la calcification était connue, un contrôle
en radio montre sa diminution de taille voire sa disparition.
Les médecins parlent souvent de la "coiffe
des rotateurs". C'est le nom des tendons qui recouvrent la tête
de l'humérus: ils la "coiffent", et leur action principale,
pensait-on dans les débuts de la médecine anatomique, est
la rotation de la tête humérale et donc du bras. En fait,
ils ont surtout un rôle de maintien du centrage de la tête
humérale dans la glène, la cavité de l'omoplate où
elle s'articule. La glène a une surface très petite et est
peu profonde; la tête humérale en sortirait facilement si
cette coiffe tendineuse ne venait pas doubler l'appareil ligamentaire.
Ce sont d'autres muscles plus longs et épais, les pectoraux le
grand dorsal le deltoïde le sous-scapulaire, qui exercent les efforts
de rotations.
Cela explique que l'on puisse récupérer en grande partie
une fonction normale de l'épaule après une rupture de la
coiffe tendineuse. Mais il existe une instabilité de l'articulation
qui demande un gros travail de rééducation.
Le
traitement de la tendinite de l'épaule
2 situations sont les plus fréquentes: leur traitement est très
différent.
1) Vous faîtes votre 1ère tendinite, déclenchée
à l'évidence par un effort inhabituel: vous avez repeint
votre plafond, taillé une haie en hauteur pendant toute la matinée,
fait plusieurs matchs de tennis d'affilée, etc... Dans les jours
qui ont suivi est apparue cette douleur à l'épaule, assez
permanente mais majorée par les mouvements du bras et par la pression
du bras sur l'épaule.
Vous n'êtes pas coutumier des tendinites et des douleurs à
cette épaule en particulier. Vous êtes conscient de vous
être un peu surmené et serez plus prudent à l'avenir.
C'est la forme de tendinite la plus simple à traiter: un simple
repos (le mieux est de mettre le bras en écharpe quand vous n'êtes
pas obligé de vous en servir) et un anti-inflammatoire (facultatif)
peuvent suffire.
Mais la tendinite traîne facilement en longueur: vous avez déclenché
une petite plaie tendineuse, et une bursite
sous-acromiale, inflammation de l'espace de glissement entre le tendon
et l'acromion schéma.
La réparation est lente et l'inflammation facilement entretenue
par des gestes ordinaires: le bras sert souvent... Des postures banales
sont agressives sans que vous en ayez conscience: le fait de s'accouder,
de s'appuyer sur le bras pour se relever, de manipuler une souris d'ordinateur
pendant quelques heures, entraîne une élévation de
la tête humérale et la compression des tendons de la coiffe
sous l'acromion.
Le médecin est en droit de vous proposer d'emblée une solution
simple bien qu'elle paraisse un peu agressive: l'infiltration. Il s'agit
d'injecter directement dans l'espace sous-acromial, un produit anti-inflammatoire
puissant (un corticoïde) et à effet retard. Il va "nettoyer"
cet espace de son inflammation, calmer la plaie du tendon, et s'il n'y
a pas fondamentalement de mauvais fonctionnement de votre articulation,
l'effet sera définitif.
L'infiltration doit être pratiquée selon une technique irréprochable:
bonnes conditions d'asepsie,
pas d'injection contre résistance. La victime doit être détendue
et coopérative. Le point d'entrée dépend du site
supposé de la plaie tendineuse et des habitudes de l'opérateur.
On vise cependant presque toujours à injecter l'espace sous-acromial.
Ce peut être un échec et si le médecin reste sûr
de son diagnostic, il peut vous proposer de la refaire avec contrôle
radiologique de la position de l'aiguille. Le réveil de la douleur
habituelle pendant la piqûre ou l'injection n'est pas mauvais signe.
Au contraire, c'est souvent la meilleure garantie d'être au bon
endroit. Si le réveil se fait à la piqûre, il faut
reculer légèrement l'aiguille avant l'injection.
La réaction douloureuse que l'on peut voir après une infiltration
est assez fréquente à l'épaule (voir faut-il
craindre une infiltration).
2) Vous en êtes à votre pénultième crise de
tendinite, ou la douleur ne disparaît pas complètement après
une crise: il existe un problème de fonctionnement de votre épaule
qui ne peut pas être résolu uniquement avec les médicaments.
Il faut rééduquer votre épaule, et si une rééducation
bien conduite est un échec, le médecin peut finir par vous
proposer une intervention chirurgicale pour résoudre ce conflit.
Mais
ne brûlez pas les étapes: une rééducation
bien conduite n'est pas si facile à obtenir: vous pouvez
avoir fait dix séries de quinze séances de rééducation
pour rien. Certains critères sont nécessaires:
- la rééducation ne doit pas être entreprise en période
douloureuse vive: vous pouvez quand même voir un kinésithérapeute,
qui pratiquera massages et physiothérapie calmante, mais il ne
faut pas faire travailler une épaule douloureuse: c'est l'échec
assuré par réveil ou entretien de l'inflammation sous-acromiale.
- l'amélioration des douleurs doit donc être obtenue au préalable
selon le schéma décrit dans la situation précédente:
ici encore l'infiltration est le moyen le plus rapide et le plus sûr
d'y parvenir. Elle s'inscrit cette fois dans un schéma thérapeutique
à plus long terme: vous reverrez le médecin à distance.
Il jugera si votre épaule est apte à une rééducation
active. L'effet étant souvent spectaculaire, vous aurez envie de
faire l'impasse sur le traitement physique. Mais si vous avez déjà
fait des rechutes, n'attendez pas la prochaine car il faudra subir à
nouveau une infiltration.
- la rééducation doit être bien connue dans ses principes
généraux du rééducateur, et adaptée
à chaque épaule. Votre coopération entière
est évidemment nécessaire: respect des conseils, pratique
des exercices. Ne partez pas battu parce que vous avez déjà
fait de la rééducation, si elle n'a été faite
dans les bonnes conditions. Si le résultat n'est pas celui espéré,
n'hésitez pas à dialoguer avec votre rééducateur
à chaque séance pour savoir si c'est normal. Si une réponse
claire n'est pas trouvée, le rééducateur et vous-même
peuvent contacter le médecin.
- les grands principes de la rééducation
Le bénéfice se verra moins sur l'amélioration des
douleurs persistantes, qui peut être lente, que sur la prévention
des rechutes.
C'est un travail long, difficile, et peu gratifiant dans l'immédiat.
Ce n'est pas gagné d'avance. C'est pourquoi le médecin doit
toujours décortiquer soigneusement ce que vous avez fait en rééducation
avant de proposer une solution chirurgicale.
Pour des conseils pratiques, voyez la fiche
épaule.
Appareil
de renforcement des abaisseurs et rotateurs de l'épaule, pour les
tendinites récidivantes
Si le traitement médical d'une tendinite sans complications est
bien conduit, il devrait être très rare d'en arriver à
une solution chirurgicale.
C'est différent quand la tendinite est compliquée: 2 grands
cadres: les calcifications de la coiffe
tendineuse et les ruptures, partielles ou complètes.
Le traitement médical reste suffisant dans la majorité des
cas, mais il est plus souvent mis en échec.
Il faut bien peser les indications du traitement chirurgical. Une calcification
doit être volumineuse et située dans l'espace sous-acromial
pour être tenue responsable d'un conflit persistant. Une rupture
n'est pas toujours réparable, elle l'est même rarement à
partir d'un certain âge, et quand elle est réparée,
la suture peut lacher. En fait il faut considérer la chirurgie
comme un "nettoyage" très complet, plutôt que comme
une réparation intégrale comme le fait la prothèse
à la hanche. Les résultats sont donc variables et toujours
bien meilleurs sur la douleur que sur la fonction: les gestes ne sont
guère fortifiés ni plus amples, mais ils ne sont plus douloureux.
Le
traitement chirurgical de la tendinite de l'épaule
est devenu très peu agressif. Il se fait par arthroscopie comme
pour les ménisques au genou. L'opérateur glisse par une
petite incision un arthroscope, tube composé de fibres optiques
pour transmettre la vision de l'intérieur de l'articulation, et
équipé de micro-instruments de chirurgie. L'anesthésie
est générale le plus souvent. L'anesthésie régionale
est techniquement délicate pour l'épaule et l'anesthésiste
qui la pratique doit y être entraîné. Ne réclamez
donc pas vivement de ne pas être endormi. Laissez l'anesthésiste
choisir la méthode qu'il connaît le mieux.
Il y a 2 types d'opérations:
- La décompression simple de l'espace sous-acromial, la zone où
votre tendon est en conflit avec l'os acromial (revoirschéma).
C'est un nettoyage complet, avec enlèvement des débris tendineux,
rabotage de la partie de l'os acromial qui agresse le tendon, et section
d'un ligament pour décomprimer l'espace de glissement du tendon.
- La réparation d'un tendon déchiré. Même si
les examens permettent d'estimer au préalable les possibilités
de réparation, ce n'est que pendant l'intervention, en constatant
de visu la qualité des tissus résiduels, que le chirurgien
décidera véritablement de ce qu'il fera. Ne vous étonnez
donc pas s'il reste un peu évasif sur cette réparation lors
de la consultation pré-opératoire. Avantages d'une réparation:
récupération d'une meilleure fonction, meilleure stabilité
de l'épaule, moindre risque d'évoluer vers une arthrose.
Inconvénients: suites opératoires plus difficiles, reprise
très progressive des amplitudes de mouvements pour éviter
que la suture ne lache, elle peut quand même finir par lacher sans
grande difficulté si le tendon que l'on a voulu réparer
est en mauvais état.
Rarement, l'opérateur ne peut pas exécuter l'ensemble de
son geste avec l'arthroscope et fait une petite incision supplémentaire
pour un abord chirurgical classique. C'est dans l'intérêt
que l'intervention soit effectuée de la meilleure façon,
ne pensez pas qu'il y a eu complication.
Les complications sont rares. Ce sont celles de l'anesthésie générale,
l'infection post-opératoire, et un ennui particulier à cette
chirurgie: la capsulite rétractile,
que nous détaillons ci-dessous car c'est une des causes de douleurs
de l'épaule autre que la tendinite. Sa fréquence après
chirurgie de l'épaule est de 2 à 3 %.