Chaos: ordre ou désordre ?

Le chaos est un embrouillamini où notre entendement peine à trouver la moindre trace d’ordre. Un ordre ? Dans quelle dimension ? Stoppons le temps. Le chaos devient un tableau fixe. Tout est à sa place. Peinture abstraite mais bien formée d’éléments. L’ordre est spatial. En grossissant bien nous y voyons des molécules, chacune propriétaire de son emplacement, ne se chevauchant pas.

Redémarrons le temps. Les tableaux fixes se succèdent à une vitesse inouïe. Désordre ? Pas exactement. Chacun est intégralement résultat du précédent. Pour l’archange mathématique capable de calculer cette fantastique équation, la réalité est parfaitement ordonnée. Pas la moindre fantaisie en elle. Peut-être parce que l’archange ne dispose de rien d’autre que son équation pour l’apprécier ? Elle se laisse en tout cas photographier ainsi.

Le désordre est l’absence d’un ordre que nous avons déjà appris à reconnaître. Une représentation mentale se tient devant la réalité et se cherche en elle. L’ordre est derrière notre oeil, devant se tient le lieu de son marché. L’ordre est une symétrie entre un système et sa représentation. Tout système pourrait mériter l’étiquette ‘chaos’. C’est dans la relation symétrique qu’il la perd. Cette relation n’est ni spatiale ni temporelle ; c’est une symétrie dans la dimension complexe. Deux niveaux séparés de complexité sont en interaction.

Parmi le vraiment grand nombre de configurations prises par un système, lesquelles font l’objet d’un ‘ordre’, c’est-à-dire d’une représentation symétrique chez ce qui regarde ? Celles qui sont stables. Un système constamment changeant n’est pas reconnu comme individuation, ni par son contexte ni par l’oeil qui représente. Il est fondu dans le décor. La stabilité permet de faire du système un élément individuel et d’exercer une prédiction à son sujet. ‘Stabilité’ a une définition temporelle. Comme l’ordre, la stabilité réside dans l’oeil qui regarde. Elle transforme le temps propre du système en un autre qui soit saisissable par l’oeil. Un nombre inouï d’états ont pu se succéder dans le système mais son apparence est restée identique dans le temps de l’oeil grâce à la stabilité.

Comment l’oeil a-t-il pu apparaître ? Pourquoi un autre temps s’est-il formé ? Pourquoi la réalité n’est-elle pas seulement une succession incommensurable de ses états, sans rien pour venir attester qu’elle est ordonnée ? L’oeil n’a pas attendu sa longue évolution jusqu’à sa forme humaine pour exister. Il se forme par la simple existence du système, d’éléments en relation. Il est le tout surimposé à ces relations. Il est flou quand le système explore son vraiment grand nombre d’états différents, se condense quand il trouve une zone d’équilibre. Les états montrent alors une propriété stable au contexte qui entoure le système. Le système apparaît individué au contexte. Mais le contexte apparaît aussi comme totalité au système. L’individuation naît dans le fait d’être stabilité au sein de quelque chose. C’est dans cette nouvelle relation individu/tout que s’amorce l’auto-représentation du système. Il devient oeil pour sa propre constitution. Deux faces apparaissent pour le système, l’ontologique vue de sa constitution, l’épistémique vue de son auto-représentation. Création d’un infime fragment de conscience, qui s’est beaucoup épaissi dans la complexité dissimulée derrière l’oeil humain.

Le chaos n’est aucunement du désordre. C’est le Tout, qui explore indéfiniment ses états possibles. Le Tout qui nous échappe par son omniprésence. Impossible d’être, en tant qu’ordre nous-mêmes, sans être contenu en lui. Impossible au Tout de s’éprouver sans en passer par nous. Dieu nous a créé en tant que surface sensible 🙂

*

Genomium: Le génome en tant qu’attracteur complexe

Dans Surimposium je présente la complexité du réel en tant que dimension indépendante. De même que l’espace 3D définit des points autour desquels orbitent les objets matériels, la dimension complexe est dotée d’attracteurs fondant des niveaux de réalité, autour desquels gravitent les entités complexes.

Parfois le niveau est rigoureusement défini et toutes les entités sont positionnées sur l’attracteur. C’est le cas par exemple du niveau subatomique. Il existe très peu de quarks libres, excepté dans des fournaises très énergétiques. Les autres sont assemblés en particules subatomiques, protons et neutrons. Attracteur complexe particulièrement impératif. Les niveaux voisins, ‘vide’ quantique et noyau atomique, sont fortement impactés par cet attracteur autoritaire. Sa présence s’impose à grande distance dans la dimension complexe, fondant le Materium, pile des niveaux constituant la matière. Propriétés et fonctions attachées aux éléments de ces niveaux sont extrêmement similaires d’une entité à l’autre.

À l’autre extrémité de la dimension complexe, les mèmes psychologiques gravitent autour de concepts ‘idéaux’ qui n’existent pas réellement. Chaque esprit est propriétaire de sa version. L’attracteur idéal est virtuel, jamais atteint, concrétisé uniquement par le nuage de concepts individuels centré sur lui. Les propriétés psychologiques des étages mentaux se ressemblent sans jamais être identiques. Leur pile fonde un Stratium, un esprit dont chaque exemplaire différent crée une large diversité dans l’espèce humaine.

L’ADN est un excellent exemple d’attracteur intermédiaire. Situé au milieu de la dimension complexe, il est à la fois fortement défini par sa constitution moléculaire, un assemblage de bases puriques, et flouté par ses interactions avec les niveaux voisins, biomolécules libres et épigénétique.

Le niveau sus-jacent à la chaîne purique est le gène, fragment de séquence dont début et fin sont signalés aux traducteurs de l’information. Niveau suivant : l’épigénétique. La séquence est organisée spatialement en une longue double hélice, susceptible de reploiements et déploiements qui masquent ou mettent à jour des éléments de la séquence. Les traducteurs peuvent alors y accéder. Fonction génétique active ou inactive. Alors que les propriétés des gènes sont similaires, leur fonction apparaît ou disparaît au niveau épigénétique.

Cette régulation opère sous l’influence du contexte à différents niveaux de complexité de l’organisme, du métabolisme à la psychologie. Bien sûr la conscience ne contrôle pas directement l’épigénétique. Sont impliqués des rétrocontrôles neuro-hormonaux et biochimiques, étagés dans la dimension complexe.

L’ADN est un niveau d’organisation en lui-même, mais également un attracteur complexe dans cet édifice que nous pourrions baptiser Genomium. Le brin d’ADN n’est pas seul porteur de l’hérédité. Les contenus cellulaires du spermatozoïde et surtout de l’ovule, ainsi que le matériel génétique libre et les organites (mitochondries), contiennent des informations susceptibles de modifier la lecture de l’ADN. Ils participent ainsi à sa modulation épigénétique.

*