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L'essentiel:
-L'arthrose est un ensemble de maladies locales
-Des facteurs généraux d'arthrose existent.
-Mais aucun traitement général n'a démontré d'efficacité,
contrairement à l'ostéoporose.
-3 théories tentent d'expliquer l'arthrose: La "plaque osseuse" est
la plus intéressante et débouche sur des conseils pratiques,
en particulier pour les sportifs, professionnels ou du dimanche...
L'arthrose est une maladie générale et
locale.
Les facteurs généraux sont essentiellement liés à l'âge
et l'hérédité (I).
Mais chaque localisation est indépendante.
Il est illusoire de penser traiter son arthrose avec un médicament par
voie générale. Chaque articulation demande des mesures propres,
très différentes selon les pressions qu'elle subit, sa mobilité,
sa position dans la chaîne articulaire, le stade de l'arthrose.
Ne cherchez pas une pilule qui va soulager votre arthrose vertébrale
et du genou. La seconde bénéficiera des anti-inflammatoires et
des infiltrations tandis que la première ne réagira qu'à la
gymnastique.
Reposer? Bouger? Maigrir? Muscler? C'est tout l'art et l'expérience
du spécialiste manuel ou du rééducateur d'analyser finement
le mécanisme de chaque arthrose et d'adapter les consignes.
Cependant ces arthroses empruntent des chemins communs.
La destruction progressive du cartilage, ce "pneu" qui recouvre
les surfaces osseuses et amortit les chocs articulaires, passe par les mêmes
stades: ramollissement, abrasion, fissuration, ulcération.
L'arthrose commence même avant tout signe visible.
Le cartilage n'est pas un matériau inerte. Comme tous les tissus de
l'organisme, il s'auto-répare en permanence. Les dégâts
commencent quand les capacités de régénération
sont dépassées par les agressions. Mais la réparation
se ralentit bien des années avant les premières lésions.
Les facteurs génétiques les mieux connus sont des mutations
de protéines qui forment l'architecture du cartilage, modifiant ses
qualités mécaniques (devient trop dur ou trop souple). Dans les
formes les plus sévères, la croissance est perturbée et
il existe d'importantes déformations du squelette (chondrodysplasies).
Un cartilage jeune se répare bien. L'arthrose n'apparaît pas à l'âge
où les traumatismes sportifs sont les plus fréquents. Le cartilage
peut même s'épaissir en réaction à des contraintes
anormales.
Les arthrosiques accusent souvent leur carrière sportive. Mais les lésions
se manifestent 10 à 20 ans après la réduction voire l'arrêt
complet des activités.
Alors, le coupable est-il le sport ou la décennie d'inactivité?
La cellule du cartilage est le chondrocyte.
1ère théorie sur l'arthrose: Le chondrocyte se fatigue. Il n'assure
plus la synthèse des protéines de l'architecture du cartilage
-> il tombe progressivement en ruine.
2ème théorie: Le cartilage s'auto détruit. Mécanisme
similaire aux polyarthrites, dans lesquelles le système de défense
de l'organisme s'attaque à ses propres articulations. Le chondrocyte,
en réponse à un agent déclencheur inconnu, se met à fabriquer
des enzymes anormales qui détruisent les protéines du cartilage.
3ème théorie: La plaque osseuse:
Le cartilage repose sur un plancher osseux. Il ne contient pas de vaisseaux
sanguins. Son alimentation est assurée par la diffusion des nutriments à travers
le plancher osseux et les liquides articulaires.
L'os n'est pas de la pierre: Au microscope, c'est l'intérieur d'une
cathédrale: piliers, arc-boutants, ogives... Les travées osseuses
sont orientées et taillées selon les contraintes exercées
sur l'os. Bon... l'architecte est un peu dément quand même, car
des travées il y en a partout. Mais il reste de la place pour les ostéocytes
(cellules de l'os), les vaisseaux sanguins, espaces libres où circulent
nutriments, enzymes, molécules d'information.
Dans l'arthrose, le plancher osseux se condense. en réaction, a-t-on
longtemps pensé, aux chocs mal amortis par un cartilage moins souple
et moins épais.
Les travées osseuses s'épaississent, se rapprochent. La circulation
des nutriments est entravée. Le cartilage est affamé ->
il ne peut plus se réparer. Les 2 surfaces du cartilage sont prises
entre 2 plaques de marbre, ce qui aggrave leur agression par les chocs.
Alors la plaque osseuse, conséquence ou cause?
Cette 3ème théorie n'exclut pas les 2 premières. En fait
la réalité est probablement une combinaison de la 1ère
et la 3ème: L'os fait correctement face aux agressions articulaires,
mais son durcissement gêne la réparation du cartilage, et le vieillissement
du chondrocyte finit par déclencher les lésions d'arthrose.
Pour les adhérents:
La théorie sur l'arthrose vous a peut-être déjà donné la
migraine! Mais essayons de digérer tout ça. Comprendre l'histoire
de l'arthrose est capital, car les consignes diffèrent selon le stade
où vous êtes, selon que vous êtes arthrosique ou que vous
conseillez un jeune sportif. Changer des habitudes ne s'obtient que si vous êtes
persuadé de sa nécessité.
L'arthrose démarre à l'âge où l'on commence à taper
dur sur ses articulations. Trop dur.
Attention, la chaise-longue n'est pas un traitement préventif de l'arthrose!
Les contraintes raisonnables sur le cartilage sont le stimulus indispensable
qui l'incite à se réparer.
Mais il ne faut pas aller jusqu'à la lésion, même imperceptible,
nous allons voir pourquoi.
Les chercheurs s'affrontent sur le rôle du sport dans l'arthrose, les
uns le disant aggravant, les autres protecteur. Réconcilions-les: Le
sport est bénéfique s'il est régulier et pas trop prolongé;
il est défavorable s'il est intense et espacé.
Une articulation c'est quoi?
-2 extrémités osseuses aux surfaces complexes mais bien adaptées
l'une à l'autre pour assurer les mouvements habituels de cette articulation,
-2 couches de cartilage plus souple qui amortissent les chocs entre les surfaces
osseuses rigides,
-quelques gouttes de synovie, lubrifiant qui diminue les frictions entre surfaces
de cartilage,
-des liens d'union: capsule, ligaments, muscles et tendons
Chacun de ces éléments peut être altéré et
conduire à l'arthrose.
1) Distension des ligaments par entorse ou petits traumatismes répétés
-> mouvements anormaux de l'articulation, surfaces cartilagineuses qui ne
coïncident plus -> usure anormale
2) Synovie moins riche en protéines avec l'âge -> lubrification
moins efficace -> abrasion plus importante du cartilage
3) Traumatismes du cartilage lors d'efforts violents: de véritables
décollements localisés sont possibles.
4) Foulures du plancher osseux:
Malgré l'amortissement par le cartilage, les chocs peuvent dépasser
la capacité de résistance des travées osseuses -> l'os
n'est pas réellement fracturé mais fendillé, fragilisé.
Il se répare mais la reconstruction ne reforme pas un os identique:
il est plus dense, l'organisme cherche à rendre cet endroit plus solide
pour éviter un nouvel incident. Mécanisme identique au durillon
qui se forme à l'endroit de pressions excessives et répétées.
L'inconvénient est que le durcissement du plancher osseux accentue les
pressions sur le cartilage, et gêne la diffusion des nutriments qui permettent
sa réparation. C'est un des facteurs initiateurs de l'arthrose. L'os
ne s'assouplira pas par la suite, même si l'on arrête l'activité sportive.
Ce peut être au contraire une erreur d'arrêter tout sport: le cartilage
n'est plus incité à se réparer.
Le seuil fatidique est le délabrement de surface du cartilage, avec
production de débris. Ils sont irritants, aggravant l'abrasion du cartilage,
comme des grains de sable dans une mécanique. Ils sont considérés
comme des corps étrangers, à éliminer le plus rapidement
possible. C'est pourquoi les tissus environnants s'enflamment, en particulier
la membrane synoviale, qui entoure l'articulation, qui sécrète
de la synovie en excès pour diluer l'irritation. L'articulation gonfle.
L'inflammation est, rappelons-le, n'est pas juste destinée à nous
faire mal! La nature n'est pas masochiste! C'est le processus éboueur
et réparateur des tissus. Il est efficace tant que les dégâts
restent modérés, aux premiers stades de l'arthrose. Si les lésions
s'accentuent, l'inflammation devient chronique et peu sembler aggravante par
la présence permanente d'enzymes qui cherchent à détruire
les fragments de cartilage. C'est l'origine de la théorie n°2, juste
dans ses observations mais fausse dans ses conclusions: Il est peu probable
qu'une affection aussi répandue que l'arthrose soit liée à un
dérèglement du système de défense de l'organisme.
Où peut-on intervenir?
1) Bonne prise en charge des entorses (II)
2) Amélioration de la qualité de la synovie: injections de
hyaluronate
3) Les traumatismes du cartilage chez un jeune adulte sont différents
de l'arthrose car une réparation est possible, soit spontanée
soit facilitée par une greffe de cartilage. Ce traitement n'est pratiqué que
dans des centres très spécialisés, en général
pour des sportifs de haut niveau.
4) Ne pas déclencher de lésion osseuse:
Les compromis dans l'activité sportive sont toujours difficiles à accepter,
surtout dans un contexte de compétition ou d'amélioration de
la performance.
Insistons en fait sur la régularité de l'activité physique
que sur l'intensité: Un os régulièrement sollicité est
adapté aux contraintes qu'il subit: il se renforce d'une façon
progressive, qui maintient une structure normale. Ce sont les micro-lésions,
liées à un surmenage ponctuel, qui formeront les cals osseux
et feront le lit de l'arthrose.
En pratique si vous êtes un sportif du week-end il vaut mieux pratiquer
moins intensivement que si vous êtes un sportif quotidien.
Chez les professionnels, les surmenages liés à la compétition
intermittente sont défavorables. Ce n'est pas une bonne idée
de s'entraîner intensivement puis de "s'économiser" quelques
jours avant une compétition. Il vaut mieux démarrer son entraînement
sur la pointe des pieds, et l'augmenter crescendo jusqu'à la compétition
qui sera la prolongation de l'entraînement plus intensif terminal, puis
diminution progressive jusqu'au retour à l'intensité d'activité habituelle.
Le principe est de "lisser" son activité physique pour laisser
aux cellules osseuses et cartilagineuses, un peu lentes à réagir,
le temps de s'adapter efficacement. Et ce, d'autant plus que les années
passent car les capacités de réparation sont moins importantes
et moins réactives (vieillissement cellulaire).
Méfiez-vous des douleurs de fin d'effort. Pas de celles à l'échauffement.
Le second souffle, qui correspond à la sécrétion d'endorphines,
calmant naturel de l'organisme, est bénéfique: il fait tolérer
les stimulations nerveuses inconfortables liées à l'accélération
de votre métabolisme. Méfiez-vous des douleurs qui réapparaissent
plus tardivement à l'effort. Musculaires, elles ne sont pas trop graves:
courbatures, petites déchirures, le muscle cicatrise plutôt bien
et rapidement. Articulaires, elles peuvent signaler des lésions plus
durables, dont nos fameuses fissurations osseuses. Si vous devez absolument
continuer, changez votre zone de portance, la façon dont vous exécutez
le mouvement, allongez-le ou raccourcissez-le, esquivez votre gêne. Spontanément,
beaucoup ont tendance à se raidir, à se cantonner à un
court secteur indolore de l'articulation. Le plus souvent vous devrez plutôt
augmenter le développement articulaire, meilleur moyen de changer la
zone de portance et de décompresser la zone qui souffre. Par exemple
sur hanche genou, cheville, allongez le pas et secouez un peu l'articulation
dans les petits coins comme si vous vouliez la déboîter. Parfois
il s'agit d'un simple mauvais positionnement articulaire et la douleur s'atténue
rapidement.
Bien sûr il existe d'autres moyens d'atténuer
le surmenage osseux:
-Le matériel: Bonnes chaussures, matériaux pas trop rigides pour
les accessoires sportifs (vibrations), terrain souple plutôt que dur.
-Les étirements: Les articulations sont une chaîne de "ressorts".
Toute jointure trop raide va augmenter les chocs sur l'ensemble de la chaîne.
-Le changement d'axe de portance: Surtout à prendre en compte en cas
de déformation des membres ou pour s'adapter à une lésion.
Classiquement des semelles sont conseillées pour le genuvarum et genuvalgum.
En pratique leur efficacité est atténuée par l'inclinaison
de la cheville et de la sous-astragalienne (articulation du talon) et n'a pas
pu être démontrée.
Il est plus efficace de modifier son mouvement de marche de façon à corriger
l'axe, par exemple en ramenant le genou vers la ligne médiane en cas
de genuvarum. C'est aussi en respectant la règle de la douleur minimale
que l'on peut laisser une lésion cicatriser tranquillement, en modifiant
l'inclinaison du genou et la rotation du pied.
-Le recentrage articulaire: domaine des techniques ostéopathiques. Qu'elles
soient à visée musculaire, articulaire ou neurologique, toutes
ces techniques marchent et le succès repose surtout sur l'habileté et
l'expérience du thérapeute, sa bonne compréhension de
votre problème.
La limite de ces traitements sont bien sûrs les lésions sévères,
mais surtout l'aspect "gourou" de la prise en charge. Certains, par
le discours et la fréquence des visites, peuvent vous faire croire que
vous êtes un château de cartes incapable de rester d'aplomb sans
leur aide... Non. Un bon thérapeute manuel doit être aussi un
bon rééducateur, améliorant progressivement votre propre
prise en charge des problèmes. Bien sûr tout ceci est coûteux
en temps et en soins pas toujours remboursés... mais investissement
mieux placé que dans des placebos vantés pour l'arthrose.
(I) Facteurs de risque
d'arthrose identifiés:
-Age > 50 ans, sexe féminin
-Hyperlaxité ligamentaire
-Traumatismes articulaires
-Certains sports (course à pied, football…) et certaines professions
manuelles (risque pour des articulations précises)
-Surpoids
-Anomalies de croissance osseuse, malformations, défaut d'axe des membres
-Maladies des tissus de soutien du squelette: muscles, tendons, nerfs
-Rhumatismes inflammatoires (polyarthrites)
-Maladies héréditaires des protéines du squelette
(II) Bonne prise en charge des entorses:
-Immobilisation immédiate, compression et/ou glaçage pour éviter
un saignement trop important, qui laissera des cicatrices non fonctionnelles.
-Le repos n'est pas une immobilisation: Il ne faut pas devenir tout mou et
promener son membre abîmé comme une nouille trop cuite, mais au
contraire contracter les muscles qui raidissent l'articulation pour la protéger,
et éviter tout mouvement de grande amplitude. Muscles et tendons sont
le second rempart de l'articulation, quand les moyens d'union indépendants
de la volonté, les ligaments, ont cédé.
-Il est difficile de rester contracter 24 heures sur 24 -> rapidement, utiliser
un bandage, strapping ou orthèse, pour remplacer l'action de la contracture
musculaire.
-Ne pas immobiliser complètement ni de façon prolongée.
Le plâtre est souvent utilisé parce que les médecins n'ont
pas une confiance absolue dans la sagesse de leurs patients, surtout jeunes,
et jouent la sécurité. Epoque de procès faciles...
Mais la cicatrisation ligamentaire démarre immédiatement et est
déjà efficace au bout de quelques jours. Mais elle reste fragile
beaucoup plus longtemps: pas question de laisser l'articulation se promener
comme d'habitude.
Le secret est donc la progression de la reprise: mobilisation précoce,
pour favoriser la micro circulation locale, mais très prudente pour
ne pas gêner la cicatrisation. Chaque jour on s'autorise un peu plus.
La reprise normale des activités se fait au bout de 10 à 20 jours,
en fonction de la gravité initiale de l'entorse. Le réglage se
fait sur le meilleur signe: la douleur. S'arrêter de préférence
avant qu'elle s'accentue.
La rééducation musculaire doit être effectuée précocément
et souvent. Il faut la faire seul, à moins d'être marié avec
un kiné. L'inactivité articulaire va en effet diminuer rapidement
le tonus des muscles qui l'entourent, alors que, nous l'avons vu, ils sont
le rempart essentiel quand les ligaments sont lésés.
Heureusement, pas besoin de bouger pour les tonifier: il suffit de contracter
dans une posture indolore pour l'articulation, pendant 15 à 30 secondes,
une vingtaine de fois d'affilée, sans bouger (contraction simultanée
de tous les muscles). Faites-le aussi souvent que vous y pensez, au moins plusieurs
fois par jour.
Ca ne rééduque pas les automatismes articulaires, mais ceux-ci
se remettront spontanément en route dès que les douleurs vous
permettront de bouger davantage.
Une douleur encore vive au-delà de 3 semaines n'est
pas normale. Causes possibles:
-lésion osseuse passée inaperçue sur les radios initiales
-> les refaire
-mauvais centrage articulaire -> mobilisations, de préférence
non forcées (pas de manipulation brusque)
-cicatrice ligamentaire épaisse, qui gêne le fonctionnement articulaire
-> massages, physiothérapie, infiltration
-déchirure non réparée, quand les extrémités
articulaires sont trop séparées -> instabilité persistante
de l'articulation-> peut justifier une chirurgie
-lésion du cartilage ou d'un ménisque: un ligament déchiré peut
masquer une autre lésion
-décompensation d'une arthrose pré-existante de l'articulation,
visible sur la radio initiale.
Les orthèses sont des moyens d'immobilisation plus ou moins stricte
de l'articulation: genouillère, chevillère, etc...
Une orthèse complètement rigide n'est pas indiquée très
longtemps, nous l'avons vu. Une orthèse trop souple peut donner une
fausse impression de sécurité et ne pas empêcher un nouveau
mouvement forcé.
Vous choisirez d'en porter en fonction de la gravité de l'entorse...
et de votre amour du système D: Une chaussure de ski par exemple immobilise
très bien une entorse de cheville.
Les bons compromis sont les orthèses évolutives, dont la liberté de
mouvement peut être adaptée au fil des jours. Elles sont coûteuses.
Vous pouvez aussi mettre une orthèse rigide quand vous n'avez pas le
temps de faire attention à votre articulation, et la porter de moins
en moins souvent tous les jours.
Le pharmacien peut être de bon conseil mais, comme pour une chaussure,
n'achetez pas avant d'avoir essayé. Prenez le risque d'un regard vers
le ciel en demandant à essayer plusieurs modèles. Certaines genouillères
et chevillères se posent avec des velcros au lieu de s'enfiler par le
pied: beaucoup plus pratique quand on veut les poser et enlever souvent dans
la journée.
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