


L'OSTEOPOROSE
en 100 questions
(Prs. Maxime DOUGADOS André KAHAN Michel REVEL)

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Tribune: Ostéoporose
en 2006: Qui doit se traiter et comment?
L'ostéoporose est le type même de la maladie qui fait peur
avec des chiffres. Pas de symptômes alarmants et vitaux comme les
affections cardiaques. Pas de déchéance ou d'agonie frappantes
comme les cancers. Pas de paralysie poignante comme les affections neurologiques.
Même pas de douleurs chroniques comme l'arthrose. Avec l'ostéoporose,
on casse plus facilement, c'est tout.
4 femmes sur 10 atteignant l'âge de la ménopause feront une
fracture liée à l'ostéoporose avant la fin de leur
vie. C'est le chiffre le plus parlant. Servi brut, c'est celui qui sert
à inquiéter les populations et surtout les médecins
qui les traitent...
Précisons un peu le contexte: L'information sur les risques de
l'ostéoporose est promue essentiellement par les laboratoires fabricants
des médicaments dédiés, et par des organismes scientifiques
comme l'IOF et le GRIO, qui sont parmi les plus liés à l'industrie
pharmaceutique.
Même s'il existe à l'échelon individuel des buts plus louables,
le grand moteur de cette industrie est de vendre le plus de
médicaments possible.
On peut bien sûr copier le médicament phare du concurrent,
mais il est beaucoup plus intéressant de rechercher de nouveaux
marchés, en particulier de transformer en malades des gens qui
ignorent encore qu'ils le sont! Détails sur le sujet dans l'excellent
livre de 2 canadiens, Moynihan et Cassels, «Selling Sickness.
How Drug Companies Are Turning Us All Into Patients», dont
le Monde Diplomatique a publié un extrait dans son n°626.
Traiter les facteurs de risque de dégradation de l'état
de santé offre des perspectives beaucoup plus vastes que traiter
les maladies. Pour peu que le facteur de risque soit un peu répandu,
c'est la planète entière que l'on va médiquer au
lieu de quelques millions de personnes.
L'ostéoporose a, de ce point de vue, un potentiel énorme.
La population vieillit et est destinée à se casser de plus
en plus. En modifiant légèrement la définition de
l'ostéoporose, on peut gagner des centaines de millions de candidats
aux traitements. Les hommes, eux, ne sont quasiment jamais traités
alors qu'ils ont un risque seulement 3 fois inférieur à
celui des femmes. Voilà pourquoi l'ostéoporose fait l'objet
de campagnes de marketing et de congrès dédiés qui
n'existent pour aucune autre affection rhumatologique. Ce n'est pourtant
pas la plus invalidante.
Les risques de l'ostéoporose
existent:
Mais ils sont impossibles à apprécier de façon précise,
à l'échelle d'une population et surtout à l'échelle
individuelle, car ils reposent entièrement sur des manipulations
de chiffres. Citons en:
-La hauteur de la personne qui tombe: sert pour définir une fracture
ostéoporotique "anormale" (on est simplement tombé
de sa hauteur) d'une fracture traumatique "normale". Comme les
circonstances exactes du traumatisme (torsion, choc direct ou effet de
levier, dureté et angle du sol, etc...) sont impossibles à
préciser à moins de mettre des vidéos dans toutes
les maisons et rues, elles sont purement exclues de la définition.
Quel flou entoure ainsi le dénombrement de ces fractures ostéoporotiques!
-La définition actuelle de l'ostéoporose est statistique:
masse osseuse inférieure (-2,5 déviations standard ou
plus)
à celle d'un adulte jeune du même sexe. Mais les études
réussissent à montrer que ceux entre -1 et -2,5 ont également
un risque de fracture augmenté. Logique, ils sont dans la fourchette
basse de masse osseuse. On devrait trouver que la tranche -1 à
0 a un risque supérieur à la moyenne. Et pourquoi ne pas
traiter la tranche 0 à +1, qui a un risque inférieur à
la moyenne, mais supérieur à la tranche +1 à +2?
Principe de précaution...
Pas encore largué? Le corollaire, c'est qu'en manipulant les chiffres,
on peut trouver un intérêt à traiter toute la population
au-delà de 50 ans. Quel marché!
Il y a un point essentiel sur lequel les laboratoires et leurs satellites
scientifiques se gardent d'insister:
Ce qui nourrit le risque ostéoporotique, c'est la diminution des
activités physiques et le développement de l'assistanat.
Casser un col du fémur c'est d'abord tomber. On tombe parce que
l'on perd son aisance physique. La moindre marche ou bout de tapis devient
un danger, parce qu'on ne saura pas se rattrapper. L'assistanat a 2 visages:
limiter les conséquences du handicap, bravo! Mais encourager à
le corriger, aïe non! Il rend le cocon plus confortable.
Tasser une vertèbre c'est d'abord ne pas l'avoir encouragée
à rester solide. Les obèses ont des vertèbres denses:
soumises à des charges quotidiennes importantes, elles ne se déminéralisent
pas. Ce n'est pas le cas des maigres: peu de charge sur leurs vertèbres,
et s'ils n'ont pas d'activités physiques entrainant un différentiel
de charge important sur leur colonne, ils n'encouragent plus la formation
osseuse et vont se tasser un jour pour une charge ou une chute bénigne.
La science le reconnaît honnêtement: la masse osseuse ne prédit
pas seule le risque de fracture. La qualité architecturale de l'os
est aussi importante. Elle est liée essentiellement au mode de
vie. On peut espérer dans un proche avenir la mesurer aussi précisément
que la masse osseuse, et affiner le risque individuel.
Mais la prévention primordiale de la fracture restera toujours
la prévention de la chute.
L'hygiène de vie passe avant le médicament, en ce sens que
si vous croyez être bien protégé du risque de fracture
parce que vous prenez un médicament, vous êtes dans l'erreur.
Vous êtes en réalité protégé contre
l'ostéoporose, et vous faites plaisir aux laboratoires et aux scientifiques
qui brandissent cet épouvantail statistique. Vous diminuerez mieux
votre risque de fracture en améliorant votre hygiène de
vie physique qu'en prenant un médicament. Bien sûr, si les
résultats de votre densitométrie sont médiocres,
associer les 2 est le plus efficace. Ne jetez pas encore votre traitement!
Tour d'horizon rapide des traitements:
Ne déflorons pas le choix qui revient à votre médecin.
Les traitements sont efficaces et d'une innocuité satisfaisante.
Seul le traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS) a
pris une grande claque ces dernières années à cause
du risque de cancer du sein et de thromboses. Paniquer les femmes et enterrer
ainsi ce traitement est injustifié, de plus en plus
de voix s'élèvent pour le dire. Nous détaillons la polémique plus loin. Mais sachez que les études
qui ont incriminé les THS sont suspectes, ont utilisé des
produits qui ne sont pas des hormones naturelles comme celles utilisées
en France, que l'on n'a jamais démontré que les hormones
déclenchaient le cancer, elles font simplement pousser plus vite
certaines variétés, que le cancer du sein est moins fréquemment
mortel chez les femmes sous THS parce qu'elles sont mieux suivies et traitées
tôt, enfin que globalement la mortalité féminine est
plus faible chez celles qui prennent des THS!
Certains disent que ce sont les arguments des "notables français de la ménopause", très engagés depuis longtemps dans le support des THS et étroitement liés à l'industrie pharmaceutique:
Certes. Il n'y a pas plus méfiant que notre équipe sur le sujet, comme le savent bien nos lecteurs réguliers. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour invalider leurs arguments.
Intuitivement, traiter un effet du vieillissement sur les sécrétions hormonales par une substitution la plus physiologique possible, ne nous choque pas. L'intérêt en est démontré pour d'autres glandes, en particulier la thyroïde, quand elle devient paresseuse avec l'âge. Il faut toujours se méfier des intuitions. Mais en l'occurence la fausseté de celle-ci n'est pas démontrée par les adversaires des THS.
L'épidémie de fractures ostéoporotiques, que certains
prédisaient il y a 20 ans à cause du vieillissement de la
population, n'est pas survenue. Sans doute en grande partie parce que
les femmes ont largement pris les THS à la ménopause.
Enfin, rappelons qu'on ne prend pas un THS parce que c'est la mode, mais
parce qu'ils évitent à la plupart des symptômes variés
et perfides, des bouffées de chaleur à une sécheresse
génitale pénible pour la vie sexuelle.
Le remplaçant des hormones, le raloxifène (Optruma®,
Evista®), réduit le risque de fracture vertébrale aussi
bien que ses concurrents, mais pas celui de fracture du col. Aussi, après
65 ans, vaut-il mieux passer aux biphosphonates (Actonel®, Fosamax®),
ou au tout récent ranelate de strontium (Protelos®).
Pour les adhérents:
Introduction
L'ostéoporose est un sujet particulièrement à la
mode, en raison de l'allongement de l'espérance de vie: quand les
générations précédentes des femmes pouvaient
compter sur une vingtaine d'années à profiter de la vie
après la ménopause, la perte osseuse n'était pas
suffisante pour causer de grands soucis**. Il est possible également
que la masse osseuse aie été meilleure chez ces générations
à cause d'une activité physique globalement plus épuisante,
et ce malgré des conditions alimentaires moins favorables.
Les mesures de la masse osseuse sont récentes et les comparaisons
impossibles. Nous allons maintenant cotoyer des cohortes de nonagénaires
et centenaires, et comme la densité osseuse continue à baisser
au fil des années, le nombre d'ostéoporotiques doit logiquement
augmenter.
Le traitement est en effet essentiellement préventif. L'ostéoporose
"maladie" se révélant par une fracture ou un tassement
vertébral, il ne faut pas attendre ce stade pour s'en préoccuper.
D'autant qu'il existe une cascade fracturaire: le 1er tassement
est suivi fréquemment de plusieurs autres dans l'année qui
suit, même si un traitement est rapidement mis en route car l'os
a une importante inertie. La fracture d'un os long peut consolider sans
séquelle (mais l'on connaît les risques d'un alitement prolongé
chez une personne âgée), mais une vertèbre tassée
le restera et la déformation de la colonne qu'elle entraîne
peut prolonger les douleurs bien après la consolidation.
Les
facteurs de risque:
L'ostéoporose
est, comme l'artériosclérose (le rétrécissement
des artères), une maladie à "facteurs de risque":
tout le monde en fait (l'os se déminéralise chez tout le
monde avec l'âge), mais certains facteurs font provoquer une perte
plus importante. Ce sont:
-la morphologie maigre et longiligne. C'est l'un des rares avantages du
surpoids: les obèses ne font pas d'ostéoporose, la charge
sur leur charpente stimulant la formation osseuse. Mais le surpoids a
bien d'autres inconvénients et prendre des kilos ne fait partie
des traitements recommandés!
-les facteurs hormonaux: la ménopause est bien connue comme accélérateur
de la perte osseuse. Une ménopause précoce ou une hystérectomie
totale (enlèvement chirurgical de l'utérus et des ovaires)
sont d'importants facteurs de risque.
-l'activité physique réduite. Un squelette inactif n'a pas
tendance à se renouveler aussi bien qu'un autre très sollicité.
-la sédentarité. En plus d'une activité physique
réduite, les personnes très sédentaires bénéficient
peu de l'ensoleillement naturel et peuvent manquer de vitamine D.
-une alimentation pauvre en calcium. Il est rare de rencontrer de véritables
carences. Cet apport en calcium joue un rôle, mais étalé
sur la vie entière (même les jeunes devraient avaler beaucoup
de calcium si l'on vise une masse osseuse maximale à la maturité).
Cela en fait un facteur relativement secondaire car on n'a en pratique
la possibilité d'agir que sur des durées brèves (à
l'échelle d'une vie entière).
-les antécédents d'ostéoporose dans la famille (fractures
et perte de taille importante chez les aïeux).
-la prise de cortisone pendant plusieurs années pour des allergies
ou des rhumatismes. Le risque dépend de la dose reçue, important
pour les maladies sévères traitées longtemps à
forte dose, minime pour les petites doses d'entretien. Quand le risque
est important, les médecins font à présent une prévention
systématique de l'ostéoporose.
-l'alcoolisme, l'un des facteurs principaux de l'ostéoporose masculine.
Il y a également des maladies qui déclenchent une ostéoporose
ou l'aggravent: ce sont surtout des maladies endocriniennes (troubles
de la glande thyroïde et surrénale), plus rarement des maladies
génétiques, rénales et hématologiques (cellules
sanguines). Mais ces ostéoporoses dites "secondaires"
sont une minorité et il est rare que ce soit la déminéralisation
osseuse qui révèle la maladie. Un bilan détaillé
est surtout nécessaire quand l'ostéoporose survient à
un âge inhabituel (avant 50 ans). Sinon, ce sont les autres signes
de ces maladies qui orienteront votre médecin vers des examens
complémentaires.
Idées
fausses:
La médiatisation de l'ostéoporose a eu une conséquence
rapide: beaucoup de personnes de la cinquantaine viennent demander au
médecin si leurs douleurs ne sont pas liées, par hasard,
à une ostéoporose débutante. On imagine que les os
fragilisés, un peu "ramollis", en avertissent leur propriétaire
par des douleurs chroniques... Non, c'est faux. L'os, même très
déminéralisé, n'est pas douloureux tant qu'il n'est
pas fissuré ou fracturé. C'est donc généralement
un traumatisme qui va révéler l'ostéoporose: une
chute pas si grave vous fait casser quand même. C'est la classique
fracture du poignet chez la femme aux alentours de la ménopause.
Autre croyance fausse: l'os ostéoporotique consoliderait plus difficilement.
Non, les fractures guérissent dans les délais habituels.
Par contre il est vrai que l'ostéoporose complique le travail des
chirurgiens orthopédistes: l'os fragile n'est pas un bon "sol"
pour ancrer prothèses, plaques ou vis. Cela peut conduire à
des interventions plus prolongées et des "montages" plus
complexes pour garantir la solidité du résultat.
Les douleurs chroniques de l'ostéoporose démarrent plutôt
après 70 ans et sont la conséquence des tassements de vertèbres:
elles deviennent suffisamment fragiles pour que le simple poids du corps
entraîne leur affaissement. La courbure vertébrale s'en trouve
modifiée (on se voûte) et la taille diminue. Le tassement
lui-même n'est douloureux que pendant quelques semaines, comme n'importe
quelle fracture. Parfois il est progressif et n'entraîne aucune
crise aiguë. Les douleurs prolongées sont dues au retentissement
du dos voûté et de l'affaissement vertébral sur les
articulations entre les vertèbres. Ce sont en fait des douleurs
d'arthrose et elles ne vont pas céder avec le traitement de l'ostéoporose.
C'est pourquoi celui-ci doit être fait bien avant que les tassements
n'apparaissent.
Le
traitement comporte:
-L'exercice physique
-Les protections
-L'apport de calcium et vitamine D
-Le traitement hormonal
-Les traitements spécifiques de l'ostéoporose se répartissent
en 4 familles:
*Les biphosphonates
*Les analogues hormonaux
*Un minéral: le strontium
*La parathormone
-Les anciens traitements, calcitonine et fluor,
sont quasi-abandonnés. La calcitonine pour son efficacité
médiocre et l'échec à mettre au point une forme non
injectable dotée de bons résultats. Le fluor à cause
du risque de fissures osseuses: l'os nouvellement formé est effectivement
plus dense mais semble de médiocre qualité architecturale
et se fendille plus facilement. Il pourrait garder un intérêt
à petite dose en traitement d'appoint*.

Et
la DHEA?
La DHEA fait déjà l'objet d'un engouement certain comme
pilule anti-vieillissement. Contrairement à d'autres produits du
même type, elle a fait l'objet de travaux sérieux. Mais hélas
ils sont peu nombreux. Nous risquons de demeurer dans cette pénurie
d'essais scientifiques. Il n'y pas d'engagement des grands laboratoires
qui financent habituellement ces essais. La DHEA est une hormone naturelle,
non brevetable, et relativement aisée à produire. C'est
un marché peu rentable car n'importe quel petit laboratoire pourrait
en fabriquer à des tarifs concurrentiels, profitant des études
qu'auraient commanditées les grandes firmes pour valider ses indications.
Les effets objectifs de la DHEA sont en fait restreints: amélioration
de l'aspect de la peau (quand même pas un lifting), stimulation
de la libido (difficile à établir car ceux qui ont pris
un placebo dans l'étude pilote ont eu aussi une amélioration
notable de la libido), et enfin ce qui nous concerne ici: effet anti-ostéoporose.
Nous n'avons pas malheureusement à l'heure actuelle des essais
assez larges pour affirmer que cet effet existe. La première impression
est que la masse osseuse est augmentée chez les femmes, plutôt
diminuée chez l'homme! La DHEA ne peut pas être une alternative
aux traitements cités plus haut. Nous reviendrons bien sûr
sur ce sujet au fur et à mesure que la littérature sérieuse
s'étoffera.
C'est le cas en 2006! Etude Mayo Clinic sur 2 ans: pas d'effet bénéfique
anti-âge observé, et même les résultats sur
l'ostéoporose ne sont pas évidents. Mais l'étude
porte sur moins de 200 personnes, et 2 ans c'est court pour se faire un
avis. Bonne nouvelle: aucun effet néfaste du traitement n'a été
observé. Il faut encore attendre pour trancher sur la DHEA.
La
densitométrie osseuse:
Permet de chiffrer la minéralisation de vos os. La méthode
la plus fiable est l'absorptiométrie. L'appareil envoie une quantité
soigneusement dosée de rayons X traverser votre squelette et mesure
ce qui arrive de l'autre côté sur la plaque sensible. En
pratique cela se passe comme une radio simple. Mais l'appareil est particulier
et n'est pas disponible chez tous les radiologues. Une autre méthode
utilise le scanner. Elle est moins fiable surtout parce qu'elle mesure
une très faible quantité d'os. La mesure par ultrasons est
très simple et non irradiante mais moins fiable que la densitométrie
et n'est pas faite sur la colonne vertébrale.
Le chiffre de votre densité osseuse est reporté sur une
courbe: la densité en fonction de l'âge. Vous voyez une belle
pente descendante vers la droite, où la densité diminue
régulièrement avec les années. Une ligne au milieu
indique la moyenne de la population générale. Votre mesure
est représentée par une petite étoile. Il vaut mieux
bien sûr qu'elle se situe au-dessus de cette ligne que largement
en-dessous.
La mesure porte sur 2 sites: les dernières vertèbres lombaires
et le col du fémur. Le chiffre des vertèbres peut être
faussé par la présence d'arthrose: les déformations
des rebords osseux provoquées par l'arthrose (les fameux "becs
de perroquet") sont formées d'os dense et augmentent faussement
le chiffre de densité osseuse. La mesure au col fémoral
est celle qui peut vous paniquer le plus: si votre étoile a plongé
dans les profondeurs de la courbe, vous aurez l'impression de marcher
sur des oeufs! En fait ce n'est pas la mesure la plus importante car le
facteur déclenchant de la fracture du col est, avant tout, le choc!
Ainsi, les protecteurs de hanche semblent aussi efficaces pour la prévenir
que les meilleurs traitements de l'ostéoporose. Préoccupez-vous
donc de la valeur au col du fémur surtout si vous avez les jambes
flageolantes.
La mesure de densité osseuse n'est qu'un facteur prédictif
du risque de fracture. Elle ne prend pas en compte ni la qualité
architecturale de l'os ni la propension à tomber. Elle ne doit
donc pas servir de référence unique mais plutôt d'élément
de décision pour décider d'un traitement ou non.
Inconvénient de cet examen: il n'est pas remboursé par la
sécurité sociale. Il coûte en moyenne 70€ (le
radiologue est libre de son tarif). Il est possible de le faire gratuitement
dans certains hôpitaux: le coût de fonctionnement du densitomètre
est prélevé sur le budget hospitalier. Mais l'attente est
souvent longue.
Autre critique que les rhumatos font à notre sécu: la plupart
des traitements de l'ostéoporose sont remboursés seulement
en cas d'ostéoporose "maladie", c'est-à-dire avec
des complications déjà survenues. Comme vous l'avez compris
à la lecture attentive de ce texte, c'est un peu tard! Médecins
et patients attendent donc avec impatience que ces indications remboursées
soient étendues. Mais il est vrai qu'il reste nécessaire
de mieux préciser qui doit être traité, et ce n'est
pas actuellement la densitométrie seule qui le permet.
Faut-il
arrêter son traitement hormonal de la ménopause?
Faut-il le fuir si vous commencez votre ménopause?
Une polémique sur le traitement hormonal substitutif de la ménopause
(THS) a été déclenchée par une étude
américaine, la Women’s Health Initiative (WHI), arrêtée
en 2002 pour excès de cancers du sein et de complications cardiovasculaires
(infarctus, embolie pulmonaire). Elle concernait 16 600 femmes suivies
sur 5 ans en moyenne. Une autre étude, britannique, a interrogé
plus d'un million de femmes sur l'utilisation des THS: elle confirme l'augmentation
du risque de cancer du sein.
Alors, auriez-vous depuis des années nui à votre santé
en appliquant consciencieusement vos patchs? Est-ce aussi dangereux que
le tabac? A voir les réactions alarmistes dans la presse médicale
et grand public, on pourrait le croire. Faisons une mise au point objective
sur ces études:
1) Le point essentiel: Dans l'étude WHI, la mortalité globale
des femmes prenant les THS n'est pas modifiée.
Prendre un traitement hormal ne tue pas. Il y a certes plus de cancers
du sein (ce n'est pas une nouveauté), d'infarctus, d'embolies pulmonaires,
mais il y a moins de cancers du côlon moins de fractures mortelles
du col du fémur. Pas plus de décès au total.
2) Il n'est pas prouvé que le cancer du sein soit déclenché
par le traitement hormonal: il pousse plus vite.
Les THS ne sont pas démontrés carcinogènes: ce n'est
pas eux qui déclenchent la première mutation d'une cellule
cancéreuse. Ils ont un effet stimulant sur la pousse de la tumeur,
qui va se révéler plus vite et devenir mortelle plus rapidement
en l'absence de traitement. L'étude britannique enterre d'ailleurs
une contre-indication classique des THS: les antécédents
de cancer du sein dans la famille: les femmes concernées n'ont
pas fait davantage de tumeurs sous hormones que les autres.
3) Un effet protecteur cardio-vasculaire avait un temps été
évoqué pour les hormones: c'est le contraire: plus d'infarctus,
plus d'embolies pulmonaires, plus d'accidents vasculaires cérébraux.
Attention, les américaines n'utilisent pas les patchs et les gels
d'oestrogènes, mais des pilules, plus fortement dosées.
De même les progestatifs qu'elles avalent ne sont pas les mêmes
qu'en France, et sont accusés de déclencher plus souvent
des anomalies du cholestérol. L'effet nocif cardio-vasculaire n'est
pas démontré avec les produits utilisés en France.
Dans le doute, si vous présentez d'autres facteurs de risque vasculaires
(diabète, cholestérol en excès, hypertension artérielle,
tabagisme), il vaut mieux éviter les THS. Des antécédents
de phlébite sont une contre-indication aux THS.
4) Il y a moins de cancers du côlon: sachant que ce cancer est beaucoup
plus difficile à dépister que le sein, on pourrait presque
dire que les femmes auraient intérêt à prendre des
THS pour le côlon et faire une surveillance étroite du sein
par auto-palpation.
5) Le bénéfice sur l'ostéoporose est confirmé.
Comme il existe actuellement des alternatives efficaces, on ne peut plus
garder ce critère comme indication principale aux THS. Mais notons
que l'on a moins de recul sur les effets à long terme des autres
traitements. L'innocuité complète des THS sur l'os est la
plus anciennement démontrée.
Ce qu'il faut retenir:
- Le bénéfice des THS sur les troubles accompagnant la ménopause
est important: ils restent une bonne indication pour les femmes qui les
supportent mal.
- Ces troubles ne sont pas éternels, mais les THS gardent une action
sur des phénomènes gênants plus durables: sécheresse
génitale (certain), aspect de la peau (discuté), libido
(discuté).
- Prendre ou non des THS oblige de toute façon à un dépistage
régulier du cancer du sein: c'est la précocité de
la découverte qui fait la guérison ou non du cancer. On
peut supposer que le fait de prendre un THS améliore le suivi des
femmes (elles voient un médecin plus souvent, sont mieux informées).
L'étude WHI américaine a inclus des femmes bien suivies
médicalement. Que deviennent les autres? Quelques années
de retard dans une mammographie peut faire toute la différence
dans un cancer. Savoir quelle est fréquence des cancers du sein
mortels chez les femmes peu suivies pourrait remettre bien des idées
en place.
Les cas de figure pratiques:
* Vous êtes en cours de ménopause ou vous l'avez faite récemment
et vous ressentez des troubles: prenez un traitement hormonal en l'absence
de contre-indications vasculaires. Apprenez à bien faire l'auto-palpation
des seins. Faites vos mammographies régulièrement.
* Vous prenez un traitement hormonal depuis moins de 10 ans. Vous vous
portez bien avec: Soit vous n'êtes pas convaincue de l'innocuité
du traitement et ces histoires vous stressent: arrêtez; ce n'est
pas de toute façon un traitement vital. Soit cet article vous a
rassénée, mais vous n'êtes pas sûre que les
hormones vous soient encore très utiles (plus de bouffées
de chaleur, sécheresse génitale et cutanée pas prioritaires...):
arrêtez quelques mois, vous jugerez vous-même si cela fait
une différence, et si oui, vous pourrez reprendre le traitement.
* Vous prenez un traitement hormonal depuis plus de 10 ans. Les bénéfices
existent toujours, contre l'ostéoporose et contre les effets généraux
de la carence hormonale. Les THS restent un des meilleurs traitements
de l'ostéoporose, mais des alternatives existent. Sachez que stopper
les hormones entraîne souvent une accélération rapide
de la perte osseuse. Vous auriez intérêt à faire une
densitométrie osseuse au moment de l'arrêt, pour que votre
médecin juge de la nécessité d'un médicament
de remplacement. Si le résultat est bon, refaites-en une 3 à
5 ans plus tard. Rappelez-vous que l'activité physique régulière
est un traitement aussi important que les médicaments.
Si en stoppant les hormones après plus de 10 ans, vous sentez des
troubles de type ménopause revenir, reprenez le traitement. Et
continuez à vous faire suivre régulièrement.
L'idéal, malheureusement irréalisable en pratique faute des produits nécessaires, serait que votre pharmacien, à votre insu mais avec votre accord, vous donne un placebo pour savoir si vous ressentez encore un bénéfice du traitement véritable.
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