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Hernie discale étranglée
* La lésion:
C'est la hernie de mauvaise réputation. L'orifice dans l'anneau
discal par lequel elle sort est beaucoup plus étroit que dans
l'entorse discale. La tension des fibres de l'anneau le referme après
la migration de la hernie. Dans certains cas, il existe un phénomène
de clapet: les fibres s'écartent pour laisser passer la gélatine
du noyau lors des augmentations de pression sur le disque et interdisent
son retour (Cf hernie progressive). La hernie forme une sorte de kyste
tendu sous le ligament postérieur.
La rupture se fait presque toujours au même endroit, à l'arrière
de l'anneau et légèrement sur le côté, où les études
anatomiques ont montré une moins bonne union des lamelles fibreuses.
* Le tableau:
Le début est rapide plutôt que brutal. Succession d'efforts
déclenchants plutôt qu'effort unique. La douleur lombaire,
souvent localisée, précède la sciatique. Il n'y
a pas de bonne position. Etre allongé peut être aussi mal
supporté qu'être debout, voire les douleurs prédominent
la nuit (s'allonger longtemps ramène vers la moitié supérieure
du corps l'eau stockée par la gravité dans les membres
inférieurs et réhydrate les zones d'oedème et d'inflammation,
la compression du nerf sciatique est plus importante). La tolérance
de cette hernie est très médiocre car la douleur est permanente.
On ne s'habitue pas à une sciatique.
* Le traitement:
Utilisez anti-inflammatoires et antalgiques sans lésiner (mais
sans dépasser les doses, pas la peine de se faire en plus un trou
dans l'estomac): n'hésitez pas à réclamer de la
morphine. Elle ne sera nécessaire que pendant 2 ou 3 semaines
et le temps va passer beaucoup plus vite. Il serait dommage que vous
fonciez chez le chirurgien parce que vous n'endurez plus votre douleur.
Ce n'est pas le meilleur critère pour se faire opérer.
Les infiltrations épidurales (par le milieu de la colonne) et
foraminales (par le côté) peuvent être très
efficaces, amenant un anti-inflammatoire puissant (la cortisone, sans
effet secondaire néfaste dans cette utilisation) au contact de
la hernie et du nerf enflammé. Contrairement à ce que pensent
certains, y compris beaucoup de médecins, ce n'est pas un traitement
de la sciatique qui traîne, quand les médicaments classiques
et le repos ne suffisent pas. C'est au début qu'elles sont le
plus utiles, quand l'inflammation est la plus vive. On peut attendre
quelques jours sous traitement standard, mais pas quelques semaines:
Que de temps perdu par peur de la piqûre!
Le succès de l'infiltration repose énormément sur
sa réalisation technique. Il est possible de la faire au cabinet
du médecin, mais votre anatomie peut la rendre difficile (surpoids,
cambrure importante, arthrose liée à l'âge). Faites-vous
accompagner car un malaise peut survenir. Ce n'est pas forcément
douloureux si le médecin fait une petite anesthésie locale
(certains n'en font pas par peur des réactions allergiques ou
parce que si l'anesthésique est injecté trop loin, c'est
une péridurale: vous avez les 2 jambes -temporairement- engourdies).
Si vous avez de la chance, le produit injecté peut fuser le long
de votre nerf irrité, réveiller sur le moment votre douleur,
mais ensuite la soulager très spectaculairement par un effet de
lavage du nerf. Ce résultat est difficile à garantir: le
médecin ne peut pas piocher répétitivement dans
un endroit aussi délicat pour orienter au mieux son aiguille.
Si une première injection n'a pas été un grand succès
ou si vous n'êtes pas du format standard (obésité,
cambrure importante, arthrose importante -âgé de plus de
65 ans-), il est préférable de la faire sous contrôle
scopique (télé à rayons X) pour mieux contrôler
la direction de l'aiguille. L'infiltration foraminale, par le côté,
est toujours faite sous contrôle scopique. Elle est préférée à l'épidurale
pour une hernie très latérale (dans le foramen). Il y aura
toujours eu un scanner ou une IRM au préalable. Ces examens par
contre ne sont pas indispensables avant une épidurale: l'endroit
de l'injection est choisi en fonction du trajet de votre sciatique, les
repères osseux sont nets (les épineuses, "bosses" au
milieu de votre dos), et le produit diffuse bien à l'intérieur
de la colonne. Un scanner ne fera que vous faire perdre du temps si le
tableau est typique. Il ne prédit pas l'efficacité de l'infiltration.
Il y a des complications possibles à l'infiltration épidurale:
principalement (mais pas souvent) une brèche dans la membrane
qui entoure la moelle épinière, qui laisse fuir le liquide
qui la baigne. Cela entraîne une migraine parfois sévère
dans les jours qui suivent l'injection. Le repos au lit est nécessaire,
dans une position cambrée (dans la mesure où votre sciatique
le permet, mais elle est souvent améliorée par l'injection
malgré la complication). Cette immobilisation facilite la cicatrisation
de la brèche. Si l'évolution n'est pas rapidement favorable
(disparition des migraines), il faut pratiquer un "blood-patch":
réinjection au même endroit, en général par
un anesthésiste à l'hôpital, d'une seringue de sang:
la pression du liquide et l'apport de cellules sanguines vont favoriser
la fermeture de la brèche.
Pour éviter cette complication de l'infiltration, ayez affaire à un
spécialiste qui en pratique régulièrement: rhumatologue,
radiologue spécialisé dans les injections radio-guidées,
anesthésiste. Le médecin fera une compression un peu prolongée
du point de piqûre, mettez-vous en position cambrée dès
qu'il a retiré son aiguille, restez un peu cambré dans
la voiture au retour et allongez-vous une demi-heure dès que vous êtes
rentré chez vous. Cette complication, peu fréquente, peut être
très pénible mais n'est jamais dangereuse au point de laisser
tomber ce type de traitement, qui peut avoir des effets spectaculaires
et éviter à certains les risques plus lourds de la chirurgie.
Cependant la hernie étranglée est celle qui va mettre le
plus de temps à évoluer favorablement. C'est
la plus chirurgicale.
Si vous ne constatez guère d'amélioration du conflit d'une
semaine à l'autre, il est temps de confirmer le diagnostic par
scanner ou IRM et de prendre un avis chirurgical. Une dernière
ressource, risquée, avant le bistouri: se faire manipuler. Ce
n'est pas la meilleure indication du traitement manuel. La manipulation
peut cisailler et déplacer le fragment discal... mais pas toujours
au bon endroit: la sciatique peut être aggravée. Pas la
bonne chose à faire si votre douleur est très forte et
permanente (gros conflit entre la hernie et le nerf). Mais si c'est plus
intermittent et supportable, et que vous êtes à quelques
jours de l'intervention... le chirurgien pourra toujours réparer
les conséquences d'une manipulation défavorable. Mais dans
certains cas vous direz adieu au bistouri. De nombreuses hernies sont
en fait manipulées avec des résultats favorables, lors
de banaux "tours de rein". Le patient comme le manipulateur
ignore la présence de la hernie ou n'en tient pas compte, et ça
se passe très bien... ou, rarement, ça déclenche
une sciatique. Quand la sciatique est déjà présente,
la lésion est la même: hernie. Elle est plus au contact
du nerf. Si le conflit est très marqué (douleur étendue
jusqu'aux orteils, très forte et permanente), la manipulation
est risquée. Sinon, elle peut aussi bien faire disparaître
la sciatique que le "tour de reins". Prenez le risque en connaissance
de cause, choisissez un bon manipulateur, mais ne lui en veuillez pas
si le résultat est défavorable: il vous reste la porte
du chirurgien.
En pratique vous trouverez peu de médecins prêts à vous
conseiller une manipulation, ou un ostéopathe prêt à la
réaliser, en raison du risque d'aggravation. Proposez éventuellement
de signer une décharge. Mais l'idéal est d'être à la
veille de l'opération programmée: vous serez fixé quasi
immédiatement sur le résultat de la manipulation, suffisamment
vite pour ne pas rentrer en clinique, ou au contraire être content
d'y rentrer parce que la sciatique s'est aggravée.
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