Étymologie d’ostracisme: exclusion de la vie publique. Lors de temps troublés, les athéniens inscrivaient sur un morceau de poterie ou une coquille (ostrakon en grec) le nom de la personne dont ils considéraient les idées comme les plus dangereuses pour la cité. La personne était bannie pour dix ans. Aujourd’hui le terme indique une exclusion sociale injuste, parce que les raisons en sont imaginaires ou non élucidées. Tournure péjorative. Pourtant il existe une place pour la méfiance fondée sur les a priori. Elle cible un flou, où se dissimule potentiellement un problème. C’est la pensée manichéenne qui crée l’aspect injuste : si la personne n’est pas démontrée coupable elle est donc innocente. Cette justice binaire facilite la vie des tribunaux mais n’est pas très avisée dans la vie courante. La suspicion évite quelques déceptions. La réalité est nette dans l’esprit qui se décharge de ses embarras, floue dans celui qui les assume.
L’étymologie de racisme est moins identifiée. Pas d’origine latine directe. Le terme pourrait être un retraitement de ratio (connexion avec rationem ‘raison’ qui désigne le classement par un ordre à respecter), ou issu de radix (racine) ou encore de l’arabe ras (tête). Tout cela nous ramène au tri par un critère d’origine. L’utilisation de ‘race’ avec des critères biologiques est tardive et source de malentendus : des critères physiques humains sont bien d’origine génétique mais ne peuvent servir à fonder des sous-espèces. En ce domaine ‘race’ devrait être remplacé par ‘ethnie’. L’emploi désastreux du terme ‘racisme’ l’a rendu encore plus péjoratif qu’ostracisme, alors que ce devrait être le contraire. Initialement ‘ostracisme’ servait bien à exclure, et ‘racisme’ seulement à classer. Là encore c’est la pensée manichéenne qui a causé grand tort à ‘racisme’. Il s’agissait de séparer radicalement des humains alors qu’ils ont plus en commun qu’on ne le croit.
Conservons dans cet article les impressions habituelles que vous avez de ces termes : ‘ostracisme’ est un peu méchant et ‘racisme’ vraiment ignoble. Mais je vais essayer de vous les séparer davantage. Voici une étymologie personnelle : prenez ‘rat’ à la base de racisme, et ‘autre’ à celle d’ostracisme.
Le rat est un concurrent. Il parasite ma maison, vole la nourriture. Je l’abhorre et pourtant il ne fait qu’exister, chercher à survivre, obtenir les avantages dont je profite. Il fait la même chose que moi. Il me ressemble. Le racisme est une ardeur à dissimuler la ressemblance. Ainsi je peux détester sans retenue mon rival. Je peux l’empêcher d’empiéter sur ma propre existence.
L’autre est un inconnu. La prudence s’impose. Manque une représentation exacte à son sujet. Peut-être raisonne-t-il de manière très étrangère à la mienne. L’ostracisme est une méfiance envers ce qui est différent de moi, parce qu’il est menace potentielle pour mon existence.
Racisme et ostracisme agissent-ils alors de concert pour me protéger ? Non. Autant l’ostracisme est judicieux, autant le racisme est vicieux. La défiance de l’ostracisme vise le non-moi, mais pour le racisme c’est moi !! A l’ostracisme je devrais associer l’amour du moi, l’appréciation de cette partie de moi dans les autres, et non le contraire. Le racisme est un aveuglement qui fait de l’autre un étranger radical. Il fait pire que la détestation d’un rat. La haine du concurrent humain, plus dangereux, atteint des sommets plus élevés encore. C’est par elle que le racisme devient aussi dévastateur.
La discrimination des sexes est un racisme. La femme appartient à la même espèce que l’homme et cherche comme lui à acquérir du pouvoir. Cette similitude insupportable génère le machisme, racisme masculin envers la femme. L’homme exacerbe le caractère soumis de la femme pour dissimuler la part en elle qui lui ressemble, l’éliminer ainsi plus facilement de la compétition.
La circonspection en croisant une bande de jeunes dans un quartier difficile est un ostracisme. Les passants sont informés que le risque d’agression est plus élevé dans un tel contexte. Ils évitent le contact et toute attitude provocante. L’ostracisme est une protection, tandis que le racisme est agression.
Différence importante à capter. L’ostracisme ne fait pas des gens une menace, le racisme oui. L’agression raciste réclame de notre part une résistance ; nous n’avons pas demandé à y participer. Tandis qu’en rencontrant l’ostracisme c’est à nous d’agir ! Il faut contester ces étiquettes péjoratives dans l’esprit d’autrui. Ceux qui réussissent à les effacer sont ceux qui portent le chapeau et démontrent patiemment qu’il n’est pas à leur taille, pas ceux qui l’ont jeté à terre sous l’effet de la colère.
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